Always and forever || ft. Tonnerre du Lion

La salamandre était couchée proche des rochers, profitant de la nuit qui tombait pour se fondre dans le paysage. Silencieuse, elle se déplaçait, se présentant comme l’ombre d’un énergumène plutôt grognon. De ses deux pupilles vertes, la féline fixait son frère, le suivant à pas feutré. Elle ne l’espionnait pas, bien sûr. Bien qu’elle aurait apprécié glaner quelques potins. Après tout, il y avait peu de choses amusantes à se mettre sous le croc, ces derniers temps. Tous semblaient déprimés, tirés vers le bas par la fatigue et les tensions constantes. La crème souhaitait néanmoins pouvoir profiter de la moindre accalmie plutôt que de ressasser indéfiniment les mêmes choses. L’intrépide guerrière avouait aussi sentir l’arôme de la solitude l’envahir et elle n’appréciait vraiment pas cela. C’était une odeur immonde qu’elle ne voulait pas côtoyer. Pour cette raison, il lui fallait passer un peu de temps avec les siens, et qui de mieux pour cela que son propre sang ? Certes, Tonnerre du Lion n’était guère des plus accueillants, mais elle savait qu’il en avait probablement autant besoin qu’elle. Après tout, cette guerre avait laissé des traces. Physiquement comme mentalement. Comme en réaction à ses pensées, son oreille arrachée eut un petit sursaut.

La chatte se concentra, tapie dans l’ombre telle une prédatrice s’apprêtant à mettre la patte sur sa proie. Son arrière-train fit quelques mouvements, puis d’un bond, elle atterrit sur le plus sombre, roulant avec lui sur plusieurs mètres. Elle riait à gorge déployée, non sans tenir de toutes ses forces le guerrier. Il avait une sacrée poigne, son frère. Une sorte de valse combative eut lieu, durant laquelle on ne savait dire lequel avait l’avantage sur l’autre. Au bout de quelques secondes à se débattre, elle finit par se séparer de lui, couverte de poussière et de feuilles mortes. Elle s’ébroua, offrant une œillade amusée à Tonnerre du Lion. C’est un beau nom qu’Étoile de Jais lui avait donné. Salamandre, encore excitée par cette petite démonstration de force, vint se frotter à son frère, se retenant de pouffer en voyant ses poils hirsutes. Elle s’exclama, pleine de joie :


Derrière une question candide se cachait une certaine inquiétude. Cela faisait plusieurs lunes que le mâle s’était renfermé sur lui-même. Elle ne l’avait jamais vu ainsi. À vrai dire, ces derniers temps, elle ne le voyait que trop peur ! Il lui manquait... Elle se sentait un peu abandonnée, comme si on la mettait à l’écart de quelque chose d’important. Il lui dirait, s’il y avait quelque chose, pas vrai ? La jeune guerrière ne tenait guère en place, elle sautillait presque autour de son frère, le regard espiègle, prête à entendre le moindre potin. Sa curiosité n’avait d’égale que sa fierté ! Elle se pencha soudain vers lui, les yeux écarquillés, comme si elle venait de deviner le plus grand secret du monde.


Son sourire s’élargit. Elle était bien loin du compte, mais peut-être était-ce mieux pour le moment qu’elle ne sache pas l’entière vérité. La crème donna un coup d’épaule au guerrier, l’air un peu trop sûre d’elle. Perdue dans ses propres bêtises, elle plongeait tête baissée dans cette mascarade.


Elle avait entendu parler des quelques rixes qu’ils avaient pu avoir. Elle avait fondé un réseau suffisamment grand pour connaître les potins les plus intéressants. Salamandre des Grottes n’aimait guère la famille de l’Ombreuse et elle se doutait bien que son frère ne serait jamais intéressé par elle, mais si ça suffisait à faire naître sur son visage un sourire, alors ça lui allait. Elle ronronnait d’amusement, se prélassant dans les fougères en attendant de voir la réaction sûrement fulminante de son jeune frère.