Resentment is a bramble trap on the heart | Ft. Cœur de Pluie

Resentment is a bramble trap on the heart.
Chant du Lion & Cœur de Pluie
Lune 1203

Cœur de Pluie  marchait en silence dans la clairière. Si son pas était léger, cela n’empêchait pas son cœur d’être lourd. C’était toujours la même chose, tout allait bien jusqu’à ce qu’une pensée noire le frappe, le fige et lui torde l’esprit dans tous les sens. Et pourtant, il y avait tant de choses qu’il savait apprécier. Il aimait chasser, pour ne faire qu’un avec ses sens, pour n’être plus que concentration et instinct, pour se délecter de sa proie. Il aimait la solitude, autant qu’il appréciait la compagnie de ses frères et sœurs de l’Ombre. Il aimait la sensation des rayons du soleil sur sa fourrure, et l’odeur de la terre après la pluie. Il aimait la satisfaction d’apporter sa contribution à la survie du clan et de pouvoir être fier des siens. Par-dessus tout, il aimait se sentir à sa place. Pourquoi alors, y avait-il toujours, qu’importe le moment, cette voix lugubre au fond de son crâne, interrompant son bien-être ? Cette voix qui tuait toute joie, inéluctablement.
C’était une de ces journées-là, où la bile noire l’étreignait, lui glaçait le sang et assombrissait son regard. Il avait besoin d’être seul.

En tant qu’escadron, il avait participé à une mission de reconnaissance ce matin-là. L’Assemblée de la veille ayant accentuée les tensions déjà pesantes, le clan se montrait particulièrement prudent vis-à-vis de son territoire. Cœur de Pluie n’avait pas assisté à l’Assemblée, étant resté de garde au camp, mais le compte-rendu que ses camarades lui en avait fait l’inquiétait. Combien de temps avant qu’une guerre ouverte ne soit déclarée ? La patrouille discrète avait sillonné le sud de leur territoire, ainsi que les Cinqs Rocs et la Clairière Enchantée, leur dernière étape. Alors que la petite troupe, n’ayant rien trouvé de particulier, s’était décidée à rentrer au camp faire un rapport à Étoile de Jais, Cœur de Pluie avait prétexté souhaiter chasser un peu avant de rentrer. Après tout, il n’était pas indispensable qu’il soit présent pour le rapport, et les proies se faisaient rares ces derniers temps. Mais la vérité, c’était surtout qu’il avait besoin de se retrouver en tête-à-tête avec lui-même. Il trouverait bien le temps de chasser sur le chemin du retour. Enfin seul, il se laissa bercer quelques instants par le chant d’un rossignol, avant de grimper à un arbre et de s’installer confortablement sur une branche solide. Épuisé, tant physiquement qu’émotionnellement, il s’endormit, savourant la douceur de la brise automnale.

Un bruissement le réveilla. Il jeta un œil en bas, et distingua la silhouette massive d’un chat. Avec toute la discrétion dont il était capable, il descendit de l’arbre. Il avait d’abord pensé à rester sous le vent mais il se rappela qu’il était en terre libre. Malgré la tension qui régnait sur Valeemar ces temps-ci, rien ne l’empêchait d’arpenter les territoires qui n'appartiennent à aucun clan. Il se redressa alors. Le matou en face de lui l’avait repéré. Son regard était sévère. Ils restèrent ainsi quelques instants, en silence.

« Qu'est-ce que tu fais là ?! »

Le guerrier avait craché ces mots, d’une voix grave et profonde. Cœur de Pluie ne put s’empêcher de tressaillir légèrement. Quelle agressivité ! Certes, croiser un guerrier adverse n’était sûrement pas la plus agréable des surprises, mais l’on pouvait s’attendre à plus de courtoisie en terrain neutre. Et cette voix … Il y avait quelque chose de familier chez ce mâle. Il avait déjà dû le croiser lors d’Assemblées, sans y prêter plus attention que ça.
Ne se laissant pas démonter, l’escadron vint s’asseoir plus près du grand guerrier, le dos bien droit. Le vent soufflant dans son dos, il n’avait pas pu déceler son odeur plus tôt. Le clan du Vent. Il le détailla. Son pelage était plutôt touffu, mi-long, d’un noir mêlé de gris sombre. Il était grand, bien plus grand que Cœur de Pluie. Larges étaient ses pattes, ainsi que son museau. Sa carrure était taillée pour le combat, et l'épaisseur de sa fourrure dissimulait des muscles puissants, à n’en point douter. Ce genre de physique n’était que peu commun chez les venteux. Et décidément, il lui rappelait quelqu’un.  

« Bonjour à toi. Je suis Cœur de Pluie, guerrier de l’Ombre. »

Il avait parlé d’une voix calme, posée, qui se voulait avenante. Il avait volontairement omis son rang d’escadron. L’atmosphère était déjà tendue, pas besoin d’en rajouter.

« Ce que je fais là, et bien j’imagine que je peux te retourner la question ? Pour ma part, je suis venu .. me changer les idées. »  

Après tout, un semi-mensonge était aussi une semi-vérité.  

Spoiler:

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Chant du Lion & Cœur de Pluie
Lune 1203

Cœur de Pluie commençait à se sentir nerveux. Il sentait bien que le guerrier du Vent lui était hostile. Son corps ne laissait rien transparaître, mais sa queue fouettait l’air et les fleurs alentours. Son regard était dur comme la pierre. L’escadron y lisait une rancœur qu’il ne s’expliquait pas.

« Chant du Lion. Guerrier du Vent. »

La voix grave de Chant du Lion résonnait étrangement dans la tête du chasseur gris. L’animosité électrisait l’atmosphère, occultant la douce brise, écrasant le subtil parfum des fleurs. Le temps était presque figé.

« Suite à l'Assemblée j'imagine ? Je ne crois pas t'y avoir vu. Ce que je sais en revanche, c'est que Nuage des Nymphes est dans cet état par la faute de ton clan. »

Cœur de Pluie n’aimait pas la posture dans laquelle il se trouvait. Seul face à ce guerrier imposant, il savait que si cette rencontre venait à prendre un tournant moins diplomatique, il n’aurait aucune chance de s’en sortir au corps-à-corps. Il était sûrement plus rapide, mais à quoi bon ? Fuir ? Quel déshonneur … Il s’ébroua. Il ne savait pas pourquoi il pensait directement au pire. Après tout, Chant du Lion n’avait pas esquissé l’ombre d’un geste menaçant, malgré son ton accusateur.

« Non, je n’étais pas à l’Assemblée. »

Il réfléchit à toute vitesse. Nuage des Nymphes … Cela lui disait vaguement quelque chose. L’accident de cette apprentie … Après tout, il était distrait ces derniers temps. Même si les tensions entre les clans le forçaient à se concentrer sur la réalité des choses, il avait du mal à tout retenir. Mais avait-il loupé quelque chose de cette importance ? Si son clan avait quoi que ce soit à voir là-dedans, il serait au courant, non ? Et puis, il trouvait ce venteux bien hâtif dans ses accusations.

« Je … Je suis désolé pour Nuage des Nymphes. » bafouilla-t-il, anxieux mais sincère. Il n’avait pas envie d’ajouter quoique ce soit. Il avait épuisé son quota de mots du jour, lui qui avait toujours préféré le silence, mais son cœur lui dictait de défendre l’honneur de son clan.

« Je ne crois pas que mon clan soit impliqué. Je suis désolé que tu penses ça. Il m’est impossible de te le prouver, et je ne peux pas te demander de me croire sur parole, mais je dis la vérité. »

Il ne brillait pas par son éloquence, c’était certain, encore moins par son charisme. Il espérait cependant que son honnêteté serait perceptible. La dernière chose qu’il souhaitait, c’était de donner à ce guerrier massif un prétexte pour l’attaquer.

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Chant du Lion & Cœur de Pluie
Lune 1203


Le temps semblait s’être arrêté. La tension était à son comble.

« La vérité ? Me convaincre ? Ta vérité tu veux dire. Celle qui arrange le clan de l'Ombre. Un joli troupeau de menteurs et de lâches ! »

Cœur de Pluie était perplexe. Qu'avait fait son clan pour mettre Chant du Lion dans cet état ? Sa colère devait remonter à bien plus loin que l’accident de Nuage des Nymphes. Il semblait à l’escadron que ce malheureux événement était le catalyseur d’une rancœur enfouie depuis longtemps. Le guerrier au pelage sombre fixait l’escadron d’un regard haineux. Cœur de Pluie compris que l’issue de cette conversation ne pouvait pas être polie. Jamais il n’arriverait à convaincre Chant du Lion que son clan était innocent, du moins à sa connaissance. Tant pis, mieux valait abandonner. Alors qu’il s’apprêtait à prendre congé du venteux, ce dernier se rua sur Pluie.

Mais qu’est-ce que … ?!

Il fut percuté de plein fouet par la carrure massive de son ennemi. Il sentit des crocs acérés s’enfoncer dans la chair de son épaule. Il ne put retenir un feulement exprimant à la fois sa douleur et sa surprise. Il se dégagea avec agilité, fouettant l’air de sa queue. Il savait que riposter ne servirait à rien. Face à un tel gabarit, il était plus sage de miser sur la rapidité. Des petits coups, peu puissants, mais vifs et à répétition. Il attendit le prochain coup, prêt à esquiver. L’attente s’éternisa, l’adrénaline soudaine semblait étirer cette fraction de seconde à l’infini. Le coup ne vint jamais. Pluie se retrouva, à son plus grand désarroi, au-dessus de Chant du Lion, suspendu au bord d’un petit ravin. L’escadron secoua la tête. Comment n’avait-il pas remarqué la présence de cette fosse plus tôt ? Il se maudit intérieurement pour sa négligence et examina la situation. Le ravin semblait assez profond pour être dangereux, et le guerrier du Vent avait de justesse planté ses griffes dans la terre meuble. Seules quelques épaisses racines semblaient le retenir de chuter, et considérant la masse imposante du guerrier, la gravité allait s’empresser de lui faire rencontrer le fond du fossé. Tomber ne lui serait certainement pas fatal, mais il se blesserait probablement. Un fugace instant, Cœur de Pluie s’imagina, le laissant ainsi. S’il le sortait de cette impasse, quelle garantie avait-il que Chant du Lion, dans son élan de rage, ne se jetterait pas aussitôt sur lui ?

L’escadron secoua la tête. Cette attitude était indigne d’un guerrier. Il se réprimanda intérieurement pour ne serait-ce qu’y avoir pensé. Abandonner Chant du Lion ici, c’était remettre en question le code d’honneur qui faisait sa fierté. C’était faire honte à son clan et à ses ancêtres. Et surtout, c’était lui donner raison, lui apporter la preuve qu’il voulait de la soi-disante lâcheté des Ombreux. Délicatement, il s’approcha du guerrier au pelage sombre, surveillant de près où il mettait les pattes pour ne pas tomber à son tour. Il saisit Chant du Lion par la peau du cou avec ses crocs et tira de toutes ses forces pour le ramener en sécurité. La tâche fut plus ardue que ce à quoi il s’attendait, et il faillit bien être emporté par le poids de son fardeau, mais il tint bon. L’odeur du clan du Vent lui emplissait les narines. Dans une ultime traction, ancrant ses pattes profondément dans le sol, plissant son museau sous l’effort, il parvint à le hisser jusqu’à lui.

S’assurant tout d'abord qu’il ne présentait aucune blessure apparente, il finit par s’écarter, craignant que le Venteux au pelage mi-long ne considère ce sauvetage comme une humiliation.

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Chant du Lion & Cœur de Pluie
Lune 1203


Chant du Lion secoua la tête, comme pour se remettre de ses émotions. L’expression sur son visage passa du choc à la consternation. Lentement, il commençait à réaliser ce qu’il venait de se passer. Cœur de Pluie était un peu mal à l’aise. Il jeta un coup d'œil à son épaule. Il saignait mais la plaie semblait peu profonde. Enfin tout de même, ce venteux ne l’avait pas raté.

« J'ai bien l'impression qu'un Ombreux vient de me sauver la mise... Tu sais que si les places avaient été inversées, je t'aurais probablement regardé tomber. »

Ah. Pluie se dit qu’en premier lieu, il n’aurait pas sauté à la gorge d’un guerrier sans aucune raison valable et ne se serait par conséquent jamais retrouvé dans cette situation. Il garda cette réflexion pour lui. Maintenant que l’atmosphère semblait s’être détendue, il ne souhaitait pas tout gâcher. En revanche, il ne savait pas vraiment quoi répondre. Heureusement, l’imposant chasseur reprit la parole, après lui avoir souri timidement.

« Merci. J'oublierai jamais ça Cœur de Pluie, même si tu n'es qu'un Ombreux. »

Le félin tigré était touché que Chant du Lion le remercie, et en même temps, il ne savait pas bien comment réagir. Il se contenta d’incliner la tête respectueusement. Il y avait comme un léger malaise. Il était temps de partir, comme il avait prévu de le faire initialement. Au fond de lui, il n’en revenait toujours pas que Chant du Lion lui ait sauté dessus. Qu’importe, au moins, tout se terminait bien. Le venteux reprit alors la parole.

« Ce danger doit être signalé, tu ne crois pas ? »

C’est vrai que c’était assez inquiétant. Les passages étaient nombreux dans cette clairière. Toutefois, la prochaine Assemblée semblait trop lointaine pour y faire cette annonce. Qui sait ce qu’il pouvait se passer durant une lune entière ? Le Vent et l’Ombre seraient prévenus mais qu’en était-il de la Lune, du Tonnerre et de la Rivière ?

« Je .. Euh .. »

En fait, il ne savait absolument ni quoi dire, ni quoi faire. Conscient qu’il ne faisait ainsi qu’accentuer le malaise installé entre les deux guerriers, il se résolut à tenter d’entamer une conversation cordiale.

« Oui il faudrait songer à le signaler … Euh … Ton physique n’est vraiment pas banal pour un félin du Vent. »

Non … Non, est-ce qu’il venait vraiment de dire ça ? Il avait parlé d’un ton égal et sans aucune arrière pensée, simplement désireux de faire la conversation, mais il venait peut-être d’insinuer que l’ascendance de Chant du Lion n’était pas complètement venteuse. Il songea un instant à se jeter lui-même dans la ravine, avant que le guerrier massif ne lui saute dessus une nouvelle fois.

Voilà ce qui arrive quand tu essayes de faire la conversation, sombre idiot …

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Chant du Lion & Cœur de Pluie
Lune 1203


Cœur de Pluie s’était mis dans une situation délicate. Il avait involontairement insinué que l’ascendance de son interlocuteur, Chant du Lion, n’était pas complètement venteuse.

« Qu'est-ce que tu sous-entends ?! » Comme l’escadron s’y était attendu, la réponse fut fulgurante, aggressive. « Je pourrais te retourner ton constat, tu n'es pas très impressionnant pour un Ombreux » J’imagine que je l’ai bien cherché en même temps … Remarque, Cœur de Pluie avait parfaitement conscience que son physique n’était pas très imposant et qu’il était loin de faire peur. Cela dit, il s’en fichait royalement. Impossible d’être discret lorsqu’on était taillé comme un dolmen.

Chant du Lion semblait fulminer intérieurement et faire beaucoup d’efforts pour se contenir. Il mit Pluie en garde, lui intimant de ne pas l’insulter. Ne souhaitant pas être de nouveau attaqué, et un peu honteux quant à la maladresse de ses propos, il inclina la tête pour formuler une excuse silencieuse.

« J'entends ça depuis que je suis chaton, c'est un sujet sensible. On m'accuse d'avoir du sang de ton clan, si tu veux tout savoir. Mais ce n'est pas vrai, je suis un félin du Vent ! »

Du sang de l’Ombre ? Cœur de Pluie ne voyait pas quel membre de son clan aurait pu enfreindre le code du guerrier. Enfin, ce n’était probablement qu’une rumeur. Une invention de chatons jaloux du physique avantageux de Lion, utilisée pour le blesser, le déstabiliser. Les mots des chatons blessaient plus que leurs crocs.

« Bien sûr que tu es un félin du Vent. Appartenir à un clan n’est pas qu’une question de sang. C’est avant tout une histoire d’actes. »

L’escadron essayait de rattraper sa bourde du mieux qu’il pouvait, certes, mais il pensait sincèrement ce qu’il disait. L’honneur lui dictait de prendre une nouvelle fois la défense de son clan.

« Peu importe ce dont on t’accuse, la faute n’est pas la tienne … mais tu ne peux pas haïr un clan entier pour le tort qu’un seul chat t’as hypothétiquement causé. »