Fleur.

CARACTÈRE
- Comment tu décrirais le caractère de ton perso ? N'oublie pas ses qualités et ses défauts : Douce ▬ Rusée ▬ Courageuse ▬ Réfléchie ▬ Attentionnée ▬ Observatrice ▬ Forte ▬ Vive d'esprit ▬ Prévenante ▬ Honnête ▬ Affectueuse ▬ Souriante ▬ Lunatique ▬ Très rancunière ▬ Chaleureuse ▬ (Sur)Protectrice ▬ Maternelle ▬ Nostalgique ▬ Fière ▬ Généreuse ▬ Fidèle ▬ Altruiste ▬ Perspicace ▬ Combative ▬ Indépendante ▬ Têtue ▬ Secrète ▬ Présente ▬ Sociable ▬ Enigmatique ▬ Bornée ▬ Dévouée ▬ Vengeresse ▬ Calme ▬ Audacieuse ▬ Forte tête ▬ Rêveuse ▬ Respectueuse ▬ Posée ▬ Curieuse ▬ Dynamique ▬ Discrète ▬ Serviable ▬ Astucieuse ▬ Réfléchie ▬ Efficace ▬ Imaginative ▬ Maligne ▬ Impulsive ▬ Tenace ▬ Logique ▬ Optimiste ▬ Persévérante ▬ Romantique ▬ Jalouse.

- Quels sont ses projets ? Vivre. S'épanouir. Retrouver les siens, reprendre sa place parmi eux. Devenir ensuite une Guerrière respectable et honorable, une Guerrière utile à son Clan. Monter en grade ne l'intéresse pas, & de toute manière elle ne pense pas être une candidate crédible. Donner la vie un jour, devenir une mère dont ses enfants seraient fiers. Trouver l'amour avant cela, car elle n'imagine pas mettre au monde des petits qui ne soient pas le fruit d'un amour pur. Pouvoir vivre libre toute sa vie, sans entraves, car pour elle ni les lois ni la hiérarchie des Clans n'en sont, & ce n'en seront jamais ; tout ceci est là au contraire pour permettre à chacun de vivre libre, sans être écrasé par la prise de libertés de son voisin. De toute manière après avoir vécu une vie de Solitaire, si retrouver le confort & la chaleur d'un Clan sont une douce idée, elle ne pourra jamais plus supporter de se sentir emprisonnée.

- Et au contraire, sa plus grande peur ? Vivre enfermée, étouffée, privée de son souffle de liberté. Voir les siens s'éteindre, lui être arrachés trop tôt, pour de mauvaises raisons. Se retrouver à nouveau arrachée à eux, perdre leur souvenir pour se retrouver une fois encore seule & sans identité. Vivre une expérience si sombre que cela lui ferait perdre sa joie de vivre. Devenir une Ancienne sans jamais avoir pu élever ses propres enfants. Ou en avoir & mourir avant de les avoir vu grandir. Tout simplement mourir avoir d'avoir véritablement vécu.

- A-t-il un point de vue sur les rivalités claniques ? Elle n'aime pas forcément se battre, voir les chats de la forêt se déchirer & ses proches aller à la bataille au risque de ne pas en revenir. Pour autant, elle n'hésitera jamais à le faire ; tant que la cause lui semble juste, du moins. Elle défendra toujours sans hésiter les frontières de son territoire, protégera les siens quoiqu'il advienne. Après, que la Rivière & l'Ombre se déchirent, c'est leur affaire.. C'est triste, mais tant que les siens ne sont pas impliqués ça les concerne eux, elle n'ira pas intervenir sans avoir une excellente raison de le faire. Sinon franchement, vu le nombre de disputes inter-claniques dans cette forêt, elle n'en a pas fini de se prendre la tête!

- Quel est son point de vue sur le Clan des Étoiles ? Très croyante. La certitude de l'existence de ses ancêtres & du fait qu'ils veillent sur les vivants est l'un des rares éléments dont elle ait gardé souvenir en perdant la mémoire, tant sa foi est ancrée en elle depuis toujours. & puis après tout, l'une de ses triplées est parmi eux.. Forcément, ça a une influence.

- Et sinon, quelle réputation a-t-il : au sein du clan, dans l’ensemble de la forêt ? Aucune, pour le moment. La forêt ne se souvient pas d'elle puisqu'ils ont à peine connu son nom, lorsque sa naissance a été annoncée en Assemblée. & pour son Clan, elle n'est que le lointain souvenir d'une chatonne disparue trop tôt.

PHYSIQUE
- Ton personnage, il a quel type de pelage ? Une jolie fourrure mi-longue, soyeuse & soignée, bicolore blanche & noire. Enfin, ça c'est ce que retiennent la plupart des chats ; en réalité elle est calico, comme le témoignent les deux petites taches rousses au bas de son dos, légèrement orientée côté droit, & sur le dos de son oreille droite.

- Et il a de beaux yeux ? Deux jolies perles d'un bleu-saphir profond, à mi chemin entre le bleu-ciel d'une de ses triplées & le bleu-nuit de l'autre.

- Il est plutôt grand, de taille moyenne, ou petit pour son âge ? De taille moyenne, peut-être légèrement plus grande que la moyenne -avec des parents grands comme les siens, ce ne serait qu'à peine surprenant-.

- Et au niveau de sa corpulence ? Toute fine & agile, c'est une féline svelte à l'allure presque fragile, tant que la voir faire preuve de puissance peut parfois surprendre. Pourtant, la musculature finement dessinée sous sa fourrure est indéniable.

- Quant à ses habilités, il est plus ou moins bon en quoi ? Elle a une ouïe très fine & efficace, compensant un odorat peut-être légèrement plus faible que celui de la moyenne des félins. Ce n'est pas une bonne pisteuse donc, mais ses oreilles lui seront tout de même un atout indéniable lors des patrouilles frontalières, d'autant plus qu'elle est très observatrice & attentive aux détails. Mauvaise traqueuse, elle fait avec lorsqu'elle part en quête de gibier ; sans ce défaut elle aurait probablement pu être l'une des meilleures chasseuses de son Clan d'ailleurs. Grimpeuse & nageuse plus qu'efficace, elle ne craindra jamais ni de chuter dans la Rivière qui traverse les terres de son Clan & pourra même venir au secours du malheureux qui n'arrive pas à s'en sortir, ni de se retrouver seule face à un animal dangereux à proximité d'arbres. Elle est bonne sprinteuse sur de très courtes distances -mais pas la meilleure-, & peut tenir une bonne endurance sur une durée à peu près correcte. En somme elle est capable de s'en sortir sans trop de difficultés dans à peu près tous les domaines auxquels elle a pu toucher, mais n'est la meilleure de la forêt ou même de son Clan dans aucun. Elle est juste très adaptative, une qualité qui lui a été enseignée par sa vie de Solitaire.

- Pour finir, a-t-il des signes particuliers ? Justement cette grande capacité d'adaptation à tout type de situation. Elle peut par la suite réussir ou échouer ce qu'elle a entrepris, elle n'hésitera en tout cas pas à tenter le coup, puis à apprendre ou s'améliorer si nécessaire.

HISTOIRE
- Ton perso est-il de sang pur ou de sang mêlé ? Pur.

- Et ses parents, ils venaient d'où ? Sa mère est née d'une Solitaire mourante au milieu du camp de la Lune, & une Reine du Clan a aussitôt adopté la portée ; il s'est avéré bien plus tard que Belle de Nuit & sa soeur étaient elles-mêmes pour moitié descendantes de la Lune. En effet, leur père était un Guerrier du Clan décédé quelques aubes avant leur naissance. Le père de Fleur est quand à lui un Lunatique pure souche, compagnon de sa mère depuis bien des lunes désormais.

- Les liens familiaux de ton perso :
Belle de Nuit - Mère.
Tremblement de Terre - Père.
"Petite Rosée" - Soeur jumelle, qui a dû passer Guerrière depuis longtemps.
Petite Lune - Sœur jumelle défunte.
Rafiki - "Vieil oncle barjo", comme elle le nomme parfois affectueusement. Elle n'a aucun lien de sang avec lui, mais il s'est occupé d'elle quand elle s'est trouvée égarée, sans mémoire ni famille.

Belle de Jour - Tante défunte, jumelle de sa mère.
Coup de Minuit - Oncle par alliance, compagnon de Journy. Elle le connaît mais ignore leur lien, car il ne l'avait pas encore révélé quand elle a disparu.

Plume Agitée, Eclipse Solaire & Torrent de Foudre - Frères & soeur cadets dont elle ignore l'existence.
Flamme d'Espoir - Cousine, fille de Journy dont elle ignore l'existence.
Petit Saule, Petite Flèche & Petite Romance - Neveux, enfants de Rosée dont elle ignore l'existence.
Petit Loup, Petite Colombe, Petite Vipère & Petite Chouette - Petits-cousins, enfants d'Hope dont elle ignore l'existence.
Petit Oiseau, Petite Hymne, Petit Refrain & Petite Mélopée - Neveux, enfants d'Eclipse dont elle ignore l'existence.

- Pourquoi porte-t-il ce nom ? Tremblement de Terre ne l'a pas donnée. C'est le seul nom de ses enfants dont il a donné l'idée, pour les cinq autres il n'était pas inspiré, & était trop charmé par les propositions de Nighty pour en chercher d'autres. La raison est donc peut-être juste qu'il trouvait ça joli, & adapté à cette jolie chatonne blottie entre ses soeurs. Le terme "Odyssée", que rajoutera Etoile Destinée, fait référence au long voyage qu'elle a fait depuis sa disparition pour retrouver les siens.

- Raconte-nous un ou des événement(s) particulier(s) de sa vie (naissance, baptême, cérémonie, ...) :
Au commencement, elles étaient trois. Trois dans le ventre maternel, trois blotties les unes contre les autres & pressées contre la fourrure ébène de la grande Reine. Trois d'un tel dégradé coloré qu'on aurait pu les croire Une seule, serrées les unes contre les autres. Il y avait l'aînée d'une part, toute noire comme leur mère, qui serait bientôt nommée Rosée. Il y avait la cadette d'autre part, toute blanche comme sa défunte tante, dont le nom sera Lune. & il y avait la benjamine, serrée entre elles deux, avec une fourrure bicolore faisant le lien entre celles de ses triplées, qui répondrait quand à elle au nom de Fleur. Trois adorables petites, appelées à faire le bonheur de leurs jeunes parents qui en avaient déjà tellement vu, tellement subi dans leur si courte vie ; un nouveau départ, un nouveau souffle de vie pour ce couple soudé. Trois jolies petites guerrières, qui seraient à n'en pas douter de grands atouts pour les leurs à l'avenir, qui se rendraient sans nul doute indispensables chacune à leur manière. Trois qui grandirent heureuses & insouciantes pendant quelques lunes, sous le regard de leur père qui passait le plus souvent possible & de leur mère qui même si elle n'avait pas renoncé à ses tâches de Guerrière restait extrêmement présente pour elles ; presque autant qu'une Reine "normale" passant tout son temps à la Pouponnière finalement. Trois qui grandirent donc sans accroc, soudées & très proches, inséparables.

Puis arriva l'inpensable, un drame que nul n'aurait pu prévoir. Elles ne furent plus que deux. Tremblement de Terre, leur père, partit en quête personnelle, & la cadette du trio qui l'avait vu s'éclipser voulut le suivre. Innocente & insouciante des dangers de l'extérieur du haut de ses quatre lunes & demi, elle s'élança sans se méfier sur un Chemin du Tonnerre. & son père trop loin devant pour avoir remarqué sa présence ne put qu'assister, impuissant & effaré, à l'arrivée du Monstre qui arracha la vie de cette pauvre enfant, quand le cri terrifiée de sa fille l'avertit finalement qu'il n'était pas seul. Forcé de partir, il s'arrangea tout de même pour qu'une patrouille de son Clan retrouve vite la chatonne, & poursuivit sa route le coeur lourd. Ce fut Belle de Nuit, la mère de cette petite, qui la retrouva. & qui rentra avec sa patrouille, le coeur brisé, forcée d'annoncer ce désastre à ses deux autres filles seule, de les soutenir seule, d'enterrer sa si chère enfant seule. Ses chatonnes n'étaient plus que deux. Elles avaient finalement eut à connaître la souffrance qu'elle-même avait enduré, celle de perdre une soeur bien trop tôt.

Sauf que cela ne s'arrêta pas là, hélas. La mère & ses deux filles avaient à peine eut le temps de se remettre, tant bien que mal, qu'un nouveau désastre les frappa de plein fouet, que les petites se retrouvèrent une.. Chacune de leur côté. Comme tous les petits, elles avaient fait leurs petites fugues pas bien méchantes, leurs petites escapades solitaires plus ou moins loin du Camp. Fleur partit trop loin, un jour, & il se mit à pleuvoir des trombes. Surprise, peu habituée à la sensation de la roche humide, la petite glissa sur la rive de la Rivière Scintillante au bord de laquelle elle jouait à la pêche ; tout comme sa mère avait chuté étant enfant. Plongée dans les flots glacials, elle se débattit comme une belle diablesse, cria longuement, appela à l'aide de toutes ses forces ; mais nul ne l'entendit, nul ne vint à son secours. Ses terres s'éloignaient devant ses yeux, & elle était seule, sans soutien. En cet instant, sa proximité avec ses soeurs ne pouvait lui être d'aucun secours ; elles n'étaient pas là. L'une ne le serait jamais plus. & elle-même ne serait peut-être jamais plus présente pour l'autre survivante, si elle ne parvenait pas à atteindre la rive. Emportée par le courant, elle finit par rencontrer un rocher affleurant à la surface. Passé cela, ce fut le noir.

Au réveil, tout lui paraissait trouble. Cet environnement ne lui disait rien, ces brins d'herbe & ces arbres lui étaient étrangers, la souris trônant à ses côtés comme une offrande n'éveillait pas son appétit, même ce soleil réchauffant sa fourrure lui paraissait inconnu. Un chat sans âge la rejoignit bientôt, alors qu'elle venait de réussir à se hisser sur ses pattes en titubant, & la rattrapa avant qu'elle ne chute dans le cours d'eau qu'elle n'avait même pas remarqué. Devant sa méfiance visible & sa peur effarouchée, il se présenta sur un ton doux, rassurant. Rafiki, qu'il se nommait. Il l'avait tirée de l'eau inconsciente quelques heures plus tôt, & avait pris soin d'elle depuis. C'est lui qui lui avait porté ce gibier pour lui rendre des forces, & il la ramènerait chez elle dès qu'elle pourrait marcher ; après tout elle semblait bien jeune, six lunes tout au plus. Quelqu'un devait bien l'attendre, non? Non. Pas qu'elle le sache. Il n'y avait personne. Personne dans son entourage, personne dans sa vie. Personne même dans son propre esprit. Rien que du vide, du néant. Terrifiant. Pourtant les chats n'apparaissent pas par magie, si? Elle devait bien avoir des origines, quelque part, songeait-elle en cherchant vivement dans ses pensées, sa mémoire. Vainement. De plus en plus troublée, elle commençait à paniquer face au félin qui l'avait sauvée. Pas de famille. Pas de passé. Pas d'identité. Isolée? Abandonnée? Elle n'était rien. Ne savait rien d'elle-même. Sa mémoire était vide. & elle avait une douleur fulgurante au crâne. Sans crier gare, elle fondit en sanglots qui affolèrent son hôte. Elle avait tout perdu, n'était plus personne. Si tant est qu'elle ait déjà été quelqu'un.

S'éveillant une seconde fois, quelques heures plus tard, elle se retrouva blottie contre la fourrure douce & rassurante d'un autre félin, & l'espace d'un instant se dit que le cauchemar était achevé. Mais ce n'était que le matou qui l'avait tirée des flots, & sitôt cette constatation faite elle se rembrunit, se maudit intérieurement. A qui d'autre s'était-elle attendu? Elle n'était personne après tout, ne représentait rien en ce monde! Elle n'avait de familier que ce chat inconnu qu'elle importunait probablement beaucoup. Elle ignorait à quel moment elle avait perdu conscience de nouveau, mais le félin à la robe grise avait veillé sur elle depuis. S'apercevant de son éveil, le vieux chat prit la parole. Si tu n'as plus d'identité, tu n'as qu'à t'en forger une nouvelle, disait-il. Je t'apprendrai à survivre, car à ton âge tu n'as peut-être jamais vu les bases. Tu peux partager ma vie de vagabond ; puis quand tu le voudras, tu pourras voler de tes propres ailes. Prend le temps qu'il te faudra, tu n'es pas obligée de répondre maintenant. & sans ajouter un mot de plus, il se leva, s'éloigna sans dire un mot. L'abandonnait-il? Effarée à l'idée de perdre son unique repère, elle se redressa d'un bond, voulut s'élancer à sa suite. Sans grande surprise, ses pattes l'abandonnèrent presque aussitôt. Un rire doux & féminin fit écho à sa chute. Ne sois pas si pressée, Fleur! Elle en chercha aussitôt l'origine ; mais il n'y avait que le vieux Rafiki, penché sur elle avec une expression inquiète.

Les étoiles scintillaient de mille feux, ce soir-là, dans les cieux couleur d'encre. Là-haut, il y a d'autres chats, affirmait-elle parfois avec conviction à son protecteur. Des défunts veillant sur les vivants. Là-haut, il y avait ses ancêtres, les traces de son passé perdu. Car même si elle n'était plus personne, n'avait plus rien en sa mémoire, elle devait bien avoir des origines quelque part. Lui n'en paraissait pas très convaincu, mais il respectait cette conviction, ne critiquait pas cette foi inébranlable qu'avait très vite démontrée la jeune féline. Après tout, hormis ce qu'elle croyait être son nom, elle n'avait strictement certitude. & il semblait avoir décidé, quoiqu'il en pense, de ne pas ébranler l'un de ses uniques repères quant à elle-même ; ce pourquoi elle lui était très reconnaissante, bien entendu. Pour ça, & pour la promesse qu'il avait respectée assidument depuis deux lunes, lui enseignant aussi bien la chasse que les moyens de se défendre, de se soigner aussi. Les bases pour survivre seule, le jour où elle choisirait de partir. Un fin sourire aux babines, elle adressa une prière silencieuse à ces astres bienveillants, avant de poser son museau sur ses pattes & de fermer les yeux. Je ne vous demande qu'une chose, suppliait-elle chaque soir. Donnez-moi un indice sur moi-même. Je veux juste savoir qui je suis.

Ce fut plus qu'un indice, qui finit par venir à elle un jour. Rafiki avait ramené un écureuil, très fier d'avoir réussi à prendre cette proie difficile, & il lui proposa de la partager. Une belle prise sans nul doute, & très appétissante. Mais elle se tétanisa, penchée au-dessus de la pièce de gibier, avant d'y avoir goûté. C'est quoi, maman? questionnait une petite voix, alors que l'image d'un animal identique mais bien plus gros traversait son esprit. Un écureuil. Goûtez, c'est très bon vous verrez. Les silhouettes indiscernables de deux petites, une blanche & l'autre noire. Notre première proie! Des rires d'enfant. Enthousiastes. & beaucoup de nostalgie en elle, lorsqu'elle cligna des yeux en revenant à la réalité. Etait-ce sa famille? Une réminiscence de ce passé perdu? Avait-elle donc bien une mère, & des frères & soeurs? La première viande qu'elle avait goûtée était celle d'un écureuil, alors. Des larmes au coin des yeux, elle mordit la chair de celui-ci. Peut-être restait-il une part de son identité finalement, enfouie au plus profond d'elle-même.

D'autres flashs lui vinrent peu à peu, dans les lunes qui suivirent. Comme si cet épisode avait remis sa mémoire égarée sur la bonne voie. Des sourires souvent. Des rires aussi. De la peine parfois. Une immense peine, un chagrin pesant. Les jeux avec les deux petites boules de poils qui avaient goûté l'écureuil avec elle. Avec un immense matou gris qui prenait grand soin de ces trois chatons. La douceur maternelle de celle qui leur avait présenté leur première proie, sa présence à chaque réveil, pour chaque larme & chaque cauchemar. De l'amour aussi. Beaucoup d'amour. & d'autres chats, parfois. Bien plus lointains, mais importants sans doute. Elle ne savait toujours pas qui elle était, mais plus le temps passait, plus lui venait une nouvelle certitude : elle avait une famille, quelque part. Des chats tenant à elle plus que tout, qui l'avaient entourée & protégée, veillant sur elle comme sur le plus précieux des trésors. Elle n'avait pas été abandonnée, livrée à elle-même. Elle n'avait pas toujours été personne.

Le vagabond la mena près d'une route, un jour. Il voulait la traverser pour se diriger plus au sud, trouver des terres plus accueillantes à l'approche de l'hiver. Cela faisait douze lunes qu'elle était avec lui, & elle n'avait jamais vu telle chose. Des chemins de terre, oui. Des bandes noires de cette matière malodorante.. Jamais. Un grondement terrible retentit, & la patte impétueuse de Rafiki la plaqua au sol, tandis qu'un Monstre énorme passait à toute allure devant eux. Lâchant un signal, le vieux chat traversa la "route" d'une traite sitôt l'animal infernal suffisamment éloigné, mais sa protégée tétanisée ne bougeait plus. Quand un Monstre arrive, on croirait entendre la foudre tomber, expliquait une voix âgée, une Ancienne contant une histoire. Enfants de la Lune, approchez pour une Assemblée, convoquait une voix sage & mature, celle d'une respectable meneuse. Elle est partie, mes chéries.. Un Monstre nous l'a arrachée, murmurait la voix brisée de sa mère. Un hurlement de douleur & des pleurs lui répondirent. Chers ancêtres, veillez bien sur cette petite partie bien trop tôt.., priait la sage voix du Chef d'un ton solennel. Une voix déchirée continuant de hurler cette insupportable souffrance. C'est pas juste, maman.. une voix d'enfant brisée par les larmes, la voix de sa soeur, sa si chère Rosée. & toujours ce long hurlement, ce cri infini. Détresse, désespoir, impuissance. Il lui fallut un moment pour comprendre que c'était sa propre voix qui le produisait, dans le présent.

Tout était revenu, & elle était restée terrassée un bon moment. Résigné, troublé, Rafiki était revenu vers elle, & avait veillé sur elle plusieurs heures. Jusqu'à ce qu'elle retrouve une certaine contenance, qu'elle passe une nuit blanche à s'interroger. Lorsqu'elle se remit sur ses pattes, il voulut repartir ; mais elle souhaitait la direction opposée. Je me souviens, fut la seule explication qu'elle lui donna dans un premier temps. & elle voulait y retourner. Elle se rappelait sa famille, désormais, elle se rappelait le Clan qui l'avait vue naître. Elle se souvenait la perte déchirante de Petite Lune, & la présence rassurante de Petite Rosée. La chaleur de sa mère, de son père. La disparition de celui-ci. Les sourires que leur Chef adressait à sa mère, la nostalgie inexplicable du Guérisseur, la bienveillance des Anciens. L'ambiance de la Pouponnière. Sa chute dans la Rivière, son désespoir lorsqu'elle avait compris qu'elle ne reverrait peut-être jamais sa sœur encore en vie. Elle se souvenait de tout. Elle savait qui elle était, ou du moins ce qu'elle aurait dû devenir. Où en était Rosée, désormais? Elle avait dû devenir Apprentie, peut-être même Guerrière. & elle aurait dû être là! Vivre tout cela avec elle. Il lui fallait la retrouver au plus tôt, & sa détermination dû impressionner Rafiki, car le vieux vagabond habituellement si entêté renonça à aller vers le Sud.

Retrouver son chemin ne fut pas une mince affaire. Elle-même était trop jeune & égarée en quittant l'endroit où elle s'était éveillée sans souvenirs, & son protecteur n'était pas habitué à retenir son chemin ; vagabond dans l'âme, il errait juste d'une place à une autre sans jamais s'attacher aux lieux. Retrouver la trace de la forêt de sa naissance fut un long & difficile périple, ponctué de tours & détours ; mais sa détermination était puissante, & la volonté de Rafiki à l'aider bien réelle. Une dizaine de lunes entière fut nécessaire, pour retrouver la trace de la forêt de Cerfblanc. Ce fut la rivière qui vint à eux en premier, un beau jour, alors que le vieux félin affirmait pour la énième fois trouver ces rochers ou ces arbres bien familiers. Cette même rivière au bord de laquelle tout avait commencé, le jour où elle s'était éveillée sans souvenirs, sans identité. Ce paysage qui avait accueilli ce traumatisant réveil était resté gravé dans sa mémoire, & même si les lunes avaient passé depuis, elle reconnut sans l'ombre d'un doute le lieu où elle avait repris conscience après sa chute dans les flots glacials. Mélancolique, elle esquissa un frêle sourire du genre de ceux qui veulent tout dire, & son protecteur soudain sérieux s'assit devant elle. Oui, affirma-t-il, c'est bien ici. Je n'ai pas bonne mémoire des lieux, mais je me souviens comment je t'ai rencontrée. Alors elle le remercia, chaleureusement. La gorge nouée, car elle savait qu'il allait désormais reprendre son chemin. Vagabond, comme toujours. Elle lui fit ses adieux, reconnaissante pour tout. & comme lui, partit sans se retourner. Elle remonta le cours de la rivière qui l'avait emportée, décidée à retrouver les siens, à retrouver sa vie. Mais elle n'oublierait jamais ce vieux Solitaire qui l'avait sauvée & protégée, sans jamais rien demander en retour.