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 Le cri de la terre ׀׀ FB 1202

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Rage de l’Amour
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Rage de l’Amour

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Le cri de la terre ׀׀ FB 1202  Empty
MessageSujet: Le cri de la terre ׀׀ FB 1202    Le cri de la terre ׀׀ FB 1202  3horlo10Lun 18 Nov 2024 - 13:24

LE CRI DE LA TERRE

LUNE 1202 — NUAGE DU MÉTÉORE, PETIT PRINCE, PETIT ONYX, THEMIS, NUÉE DE COLOMBES, GAÏA
Une terre au flanc maigre, âpre, avare, inclément, Où les vivants pensifs travaillent tristement, Et qui donne à regret à cette race humaine Un peu de pain pour tant de labeur et de peine
Bal(l)ade des gens heureux. La scène est un spectacle auquel le Clan a déjà assisté maintes fois, trop banale pour ne mériter autre chose que des œillades nonchalantes sitôt reprises. La queue droitement dressée, son pelage ébouriffé trahit le dédain des toilettes matinales. Nuage du Météore figure en tête de la cohorte menée par Nuée de Colombes hors du camp. L’absence du paternel est remarquée — secrètement, il l’avouerait, bienvenue. Depuis deux lunes, pas une goulée d’air qu’il respire qui ne soit chargée de l’âpre effluve de Gouffre du Soleil. Le baptême a légitimé des pratiques que Père se permettait bien avant déjà.

Peut-être pour ça que Mère aime à subtiliser son aîné quand elle le peut. Aime à les prendre tous, les couver de son aile. Sa portée ainsi pressée contre son flanc, trio cocassement dépareillé de celle qu’ils chérissent plus que tout, il n’y a de cieux trop solitaires pour qu’ils les bravent.

Dans le silence du matin embrumé, une corneille esseulée jette un croassement qui fait s’envoler une nuée de pennes noires dans l’arbre le plus proche. Piaillements indignés. Bruissement d’ailes. La plaine chatoyante est grasse sous ses pas, encore humide et scintillante de rosée. Chacun de ses soupirs laisse échapper un panache nacré qui flotte un instant au-dessus de sa tête. Lui fait descendre dans les poumons un pic de glace, aussi, mais peu lui importe. Son cœur est léger. Lorsque Mère s’arrête, elle n’a pas besoin de parler : le pas de Nuage du Météore lui répond en antithèse. Il s’élance, soulève une vapeur cristalline au-dessus de l’herbe, attrape son frère vagabond par le cou.

« Suis le rythme, p’tit Prince. »

Le fugitif au pas tanguant est ramené à Nuée de Colombes et la colonne s’ébranle. Se laissant couler à l’arrière, loin des yeux de Mère, il prend une motte de terre qu’il envoie à la figure de Petit Onyx, décampant aussitôt en un éclat de rire gamin. Nuée de Colombes l’admoneste doucement d’un sermon déjà proféré hier, avant-hier, toujours, qu’il accepte avec la docilité d’une scène mainte fois répétée. Par degrés ils brisent la quiétude du lieu de leurs chamailleries : s’apostrophent, se coursent, se gaussent.

Balade des damnés Riveux. Comme ils obliquent le long du ravin qui annonce la mi-parcours de leur balade, Nuage du Météore s’amuse à se percher à la frontière de la terre et du vide. Sous ses pattes, le sol s’effrite et s’écrase en contre-bas en un bruit mat. Jouer au funambule imprudent ne l’amuse pas tant que de savoir les attentions de Nuée de Colombes toutes portées sur lui. Sa reine noire s’inquiète, l’averti.

« Reviens-là, Nuage du Météore — arrête donc. »

Il y demeure encore un peu, avançant pas à pas, vacillant dans le vide. Contrariant, impudent, diverti. Encore quelques longueurs de queue de souris, puis elle le sommera d’arrêter, l’accent durci — pense à l’exemple donné à ton frère et ta sœur. Cela suffit toujours à le faire descendre de son perchoir périlleux.

« Petit Onyx, Petit Prince — venez. »

Cela lui fait dresser le menton. La ritournelle ne commence pas ainsi, proteste-t-il, mais sa protestation lui meurt en bouche quand il avise le visage de sa mère. Son regard s’est arraché à son aîné pour se porter devant-elle. Tout son corps s’est roidit. Elle presse ses benjamins derrière elle de francs coups de pattes, sans ménager sa force. À quelques pas se dresse une reine blanche. Son regard à elle est fiévreux, ses yeux écarquillés, braqués sur Petit Prince et Petit Onyx s’agitant derrière Mère.

« Les miens sont partis. »

« J’en suis désolée. »

Où l’autre annone, Nuée de Colombes tranche. Émaillé de glace, son ton est assez pour lui faire la rejoindre, le cœur battant la chamade. Jeune écervelé, il bombe le torse. Ses griffes sont déjà à demi-sorties, la tête trop pleine des entraînements et harangues de Père, lorsque Nuée le bouscule d’une bourrade sèche. Le météore se dégonfle en un instant. Sans comprendre, meurtri, regarde celle qui lui intime de reculer sans un mot. C’est qui, Mère ?

« Ils sont beaux. Moins que les miens. »

« Tu es sur les terres du Clan de la Rivière. »

« C’est que les miens sont partis. Ils sont partis. Mais je pourrais… et tu en as trois. J’en avais trois. Tu en as trop. Je pourrais peut-être… »

« Nuage du Météore, ramène ton frère et ta sœur au camp. »

Comme tous ses poils se hérissent, elle paraît une flamme ondoyante.

« Mère — » résiste-t-il, révolté à l’idée de la laisser là.

« MAINTENANT ! »

Le feulement cingle l’air, ne souffrant d’aucune réponse, plie le météore à sa volonté avec plus de hargne que tous les marteaux de Père.

Balade des enfants affreux. En un mouvement, il agrippe Petit Prince par l’échine et pousse Petit Onyx par-devant. Après quelques longueurs n’y tenant plus, dépose Petit Prince par terre, et exhorte leur cavalcade, leur refusant aucun arrêt — a le temps de jeter un regard derrière lui, avise un camaïeu de neige et de suie roulant dans l’herbe grasse. La vision lui reste brûlée dans les rétines comme ils font leur entrée fracassante dans le camp presque désert, en nage et terreux. Père est absent. Père l’est souvent.

« On va… on va attendre que Mère revienne, maintenant. Faites votre toilette, on est sales. Et puis à la pouponnière. Elle reviendra. »

La voix faussement assurée maquille sa nervosité. Il guide vaillamment ses benjamins vers leur tanière — s’y couchera probablement à l’entrée, refusant de les laisser seul jusqu’au retour de Mère. Quelque part au milieu des landes, un cri perce l’air. Une corneille croasse. Une nuée d’oiseaux passe en un bruissement devant le soleil.


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UN GRAND MERCI À LULU (code), LYS, SIL, AIDO, WAKI, MYST ET RUNA (dessins).
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