WAYWARD SON | Nuit des Météores

CARACTÈRE
- Comment tu décrirais le caractère de ton perso ? N'oublie pas ses qualités et ses défauts :
Entrain, empathique, généreux, bon vivant, simple, flirt, protecteur, assuré, dévoué, loyal, romantique, manichéen, macho, compréhensif, impulsif, malicieux, immature, gourmand, intrépide, débrouillard, simple, ingénieux, rugueux, humoristique, chaud, défiant, méfiant, impatient, direct, franc, dépendant, jureur, travailleur, charismatique,

Corps céleste s'échouant dans l'atmosphère terrestre, se consume et se désagrège en éclats ; de cette fragmentation brûlante, Météores partage l'ambivalence.

C'est qu'au premier abord, le guerrier porte bien la façade assurée : macho sur les bords, un homme, un vrai, il n'y a que ça après tout. Impatient et direct, quitte à paraître rugueux, négligeant les formes pour tailler dans le vif de la chair, il ne fait pas dans la dentelle et a aversion de tout ce qui s'en rapproche. Délicatesse et beauté, voilà bien des choses fragiles, inutiles, faites pour les bonnes femmes et les enfants. (On lui en a assez rabâché les oreilles.) Lui se veut taillé du même moule froid que les durs rochers de la grève : jamais une plainte, jamais un gémissement ne franchit la barrière de ses lèvres, jamais une ingratitude. La vie est censée être dure, et on est pas censé avoir ce que l'on veut, voilà une litanie martelée à fer blanc dans son crâne. Il y a ceux qui endurent et survivent en serrant les dents, et il y a les autres : des deux camps Météores aura tôt fait de choisir (choix d'aveugle, choix guidé). Il ravale, plaintes, souffrances, émotions, il ravale jusqu'à l'étouffée, jusqu'à l'étranglement. Il n'a jamais connu des goulées d'air que leur fraîcheur sur une gorge écorchée.

Parce que Météores est un soldat (soldat, poète, roi). Non par choix ni par naissance, mais par le temps : présenté à un moule qui ne lui sied pas, ses aspérités sont polies, lissées aux lames tranchantes, ses mauvais angles brisés au marteau par le père pour qu'enfin il s'y (é)c(r)oule. Brave petit soldat, dévoué, il n'est qu'une arme, sans conscience, sans volonté, entre les griffes du père-roi. Il ne s'envisage pas autrement parce qu'on ne lui a jamais donné à envisager rien d'autre, enfance arrachée au berceau par le voleur même qui lui a permis la vie : Météores est pantin, jouant le rôle qu'il est né pour interpréter. Peu importe finalement si on l'a contorsionné jusqu'à méconnaissance pour lui faire enfiler le costume, tant que cette abominable chimère trouve usage. Car Météores ne se valorise que des manières dont il peut se rendre utile, au Clan, à ses aimés, et surtout aux affaires familiales. Il n'en fait pas partie — il est les affaires familiales, les a ingurgitées jusqu'à suffocation, jusqu'à enchevêtrement et métamorphose.  La violence est un quotidien qui le conforte dans sa familiarité routinière. Guerrier aguerri, impitoyable, agressif, laissé de marbre face au sang et aux cris, il ne se sent pas complètement vivant s'il n'est pas dans la lutte. L'adversaire importe peu. Chien de garde avide des caresses que daigne lui donner son maître après l'avoir battu (idiot ou naïf ou esseulé), un agneau si doux, obéissant et docile à sacrifier aux autels — Météores est élevé prédateur mais, du monde, demeure la proie favorite.

Mais Météores se refuse à reconnaître qu'il partage, de la rivière qui coule entre ces rochers dont il se veut issu, bien plus d'attraits. Quoiqu'il ne le reconnaitrait pas, il a un gros faible pour les enfants et les vieux, et quoiqu'il prétende toujours perdre son temps, s'arrange pour avoir affaires avec eux de temps en temps. Il papillonne, qu'il le veuille ou non, vers ces beautés quotidiennes qu'il dénigre haut et fort, s'attendrit à la vue des enfants, avec qui il est doué. Il peut passer des heures à jouer avec les gamins, loin des regards des autres — avide de s'approprier, pour quelques poignées de moments volés, leur insouciance qu'on ne lui a jamais permis d'avoir. Il partage avec eux d'autres traits : comme pour compenser de la dureté et de l'efficacité qu'il met dans les autres aspects guerriers de sa vie que lui imposent les affaires familiales, Météores peut se montrer particulièrement immature. C'est un félin simple, qui aime rire, les bonnes choses, les choses simples de la vie. Lorsqu'il laisse tomber la façade et devient soldat au repos, Météores se montre particulièrement décontracté, prompt à rire et faire rire, bien disposé envers chacun, traitant des questions tendues à la légère et diffusant les tensions avec une blague qui ne le fait rire que lui. Sa famille est son centre, son univers autour duquel il a été fait pour tourner : il lui est rare d'avoir le temps de se lier à d'autres personnes, et il n'est pas doué au milieu de grands groupes. En revanche, son avidité naturelle pour des liens simples, sa fascination morbide qu'il ne s'avoue pas pour une vie normale, sa générosité rugueuse, sa simplicité et sa décontraction lui permettent souvent de connecter avec une ou deux personnes à la fois et ses interactions, brèves mais chéries, l'irriguent tout entier.

Météores ne se considère pas comme un intellectuel, ne se complique pas les choses : de son père il a hérité la vision manichéenne, divise le monde en blanc et en noir, ne sait pas lui-même dans quelle case il se place. Il ne pense pas avoir son mot dire en matière de hiérarchies, politiques intérieures, extérieures, spirituelles, n'y trouve pas non plus quelconque intérêt. Ces choses là l'ennuient profondément. Il en défère fièrement à son frère et sa soeur comme les cerveaux (depuis sa naissance mené à croire qu'il n'était que le bras armé et docile — une arme ne pense pas).

Il n'envisage pas, lui, de fonder famille, c'est un projet qui le repousse et lui est étranger, qui n'a pas sa place dans son futur chaotique. Vivant au jour le jour sans rien planifier car il sait son avenir jonché d'aubes rouges, et la grande nuit peut-être plus proche qu'il ne le  pense — Météores ne se voit pas vieillir. Cela ne l'empêche pas pour autant ne pas savoir profiter des plaisir de la vie : au contraire. Incorrigible flirt, il sait ce qu'il veut, et souvent l'obtient. Avec ses conquêtes doux, affectueux, plus sincère qu'avec beaucoup, affamé d'amour qu'il n'admettrait jamais. Mais voilà Météores envolé le lendemain venu, reparti dans sa nuit noire où ne subsistent jamais que trois étoiles permanentes : sa famille. Car Météores, pour tout son amour des félines et des moments fugaces où il peut déguiser ses tendresses et désirs de proximité en simples conquêtes d'un guerrier volage, tient la vulnérabilité émotionnelle en terreur. Il sait que sa vie remuante n'a pas de place pour compagne et enfant — trop lâche pour se persuader que s'il le voulait, il pourrait. Alors peu importe à quel point il aspire, il languit, il est un assoiffé, un désespéré de connexions, Météores part se fragmenter dans d'autres cieux, d'aventure en aventure.

En vérité Météores essaie de son mieux, et échoue souvent. Fils premier, frère aîné, il est souvent surprotecteur de ses deux cadets et notamment du dernier, qu'il a pratiquement élevé. Il ne supporte pas que quoique ce soit leur arrive et endossait, dès son jeune âge, la responsabilité de leur bien portance et leur bonheur. Car en son cœur, en sa chair, Météores est un enfant blessé qui s'entoure d'une épaisse carapace de fausse bravade. De sa mère né image, martelé par son père, battu à barres brisées jusqu'à ce qu'il se conforme à sa vision d'aîné, finalement Météores ne sait plus de qui il est le reflet. Il se proclame habitué à la vie chaotique, affirme avoir fait le deuil de vivre une vie normale derrière lui et s'en porter comme un charme — ce n'est pas un mensonge de plus envers lui-même qui l'empêchera de dormir le soir.

- Quels sont ses projets ? Avoir des responsabilités, donner des ordres, fort peu pour lui, ce sont des rôles d'ambitieux et d'intelligents. Des ordres il en est le destinataire modèle, docile, rompu à l'exécution – lorsqu’ils viennent de meneurs dont il reconnaît la légitimité, tout du moins. Et de celles-ci n’en subsiste qu’une : le père. Des guerriers non plus il ne s'agit pas de devenir la figure de proue. Être le meilleur en quelque chose ne l'intéresse nullement, lui qui pourtant de part son travail et son éducation guerrière pourrait battre une lice de prétendants à la volée. Non, tout en lui n'est dirigé que vers un but : satisfaire le Cronos originel et poursuivre, accompagné de sa fratrie, l'enquête sur la mort de leur mère.
- Et au contraire, sa plus grande peur ? Tant, toutes liées à la cellule familiale de laquelle il ne peut se dissocier — le frère et la soeur éteints sous ses yeux, le père, porteur de terreur dans sa vie et d'avantage pourtant dans la possibilité de sa mort. L 'engagement émotionnel vis à vis d'un autre le fait décamper en un éclat de rire gêné ; Météore fuit, somme toute, la peur profonde de l'abandon.
- A-t-il un point de vue sur les rivalités claniques ? (il est plutôt : pacifiste, juste loyal, belliqueux, indifférent ?) S'il réserve au Clan qui abrite le présumé assassin de sa mère une haine particulièrement féroce, il n'a pour les autres qu'un je m'en foutisme relatif. Tant que chacun n'empiète pas chez les autres, Météores n'entretient envers les trois autres Clans aucune hostilité.
- Quel est son point de vue sur le Clan des Étoiles ? Un sceptique, considérant que le moins d'affaires il a avec eu, le mieux il s'en porte : le mystique ne lui sied pas. Il y a là quelque chose de profondément anormal qui le met mal à l'aise. Le manque de contrôle envers ces événements surnaturels, les volontés opaques de ces gens-là, leur attitude moralisatrice lui hérisse le poil : un défunt, ça reste cadavre, un point c'est tout. Il n'y pense que lorsqu'on le lui rappelle. Alors s'ensuivent inévitablement une ironie, une grossièreté couronnée d'un haussement d'épaules, un rejet du revers de la patte. Ces irrévérences expéditives envers leurs ancêtres cachent, au-delà de leur irrespect, une profonde incompréhension de la voie des morts. Tout-voyants, allons bon, surtout tout-lâches. Les silences et la réticence des Étoiles à se mêler à la vie terrestre et proposer leur aide dictent son dédain et son ressentiment. Sa seule foi est de sang — sa fratrie —, sa seule idole est de chair, son soleil, son trou noir vorace, fossoyeur de sa vie, ogre sans satiété — son père. À l’autel des vivants sacrés, point de place pour des morts.
- Quel est son point de vue sur les terres de Valeemar ? Il y est né et très certainement qu'il y mourra ; il n'envisage aucun autre horizon que celui de la Rivière et des terres libres qui le jouxtent, terres qu'il a écumé de long en large et connaît aussi bien que sa poche.
- Et sinon, quelle réputation a-t-il : au sein du clan, dans l’ensemble de la forêt ? (est-il apprécié, admiré, craint, détesté, méprisé, et pourquoi ? bien sûr ce n’est qu’un jugement général, chaque personnage rencontré dans un rp pourra se faire sa propre idée de votre personnage, il ne s’agit là que d’une idée directrice) Au sein du Clan il est de fait admis que la famille de Météores est quelque peu décalée vis-à-vis du reste du Clan. Sa franchise sans embarras de politesses, son immaturité, ses juron, son manichéisme, son dédain des tâches de chasse au camp en hérissent certains ; d'autres trouvent réconfort et attachement en son sens de l'humour, sa générosité et sa nature de bon vivant. Météores clive, mais de ses avis divers il demeure une constante : on connaît et respecte ses capacités guerrières, car on voit dans le fils le digne successeur du père.

PHYSIQUE
- Ton personnage, il a quel type de pelage ? Météores est à bien des égards un félin à belle allure et au nom qui lui sied : le noir jais macule la majorité de sa fourrure mi-longue, tandis que certains endroits semblent encore rougeoyer de braises : du roux-feu en toutes nuances brûle une de ses pattes avant, son poitrail et strie sa queue.  
- Et il a de beaux yeux ? Deux puits vert forêt.
- Il est plutôt grand, de taille moyenne, ou petit pour son âge ? Il a hérité de son père sa grande taille.
- Et au niveau de sa corpulence ? Sa génétique et ses lunes d'entraînement impitoyable l'ont taillé de muscles.
- Quant à ses habilités, il est plus ou moins bon en quoi ? S'il s'acquitte de la chasse par devoir, il n'a jamais daigné creuser l'affaire, et est en conséquence bien piètre dans ce domaine. Il ne sait non plus grimper aux arbres, ou tenir les longues distances : en revanche il est, comme tout riverain, un excellent nageur. Mais plus que tout, Météores est un fils de la guerre. Un as du combat qui s'améliore de lune en lune au prix d'incessants efforts : il combat comme il respire.
Pour finir, a-t-il des signes particuliers ? Une myriade de petites cicatrices constellent sa peau, stygmates d'entraînements imposés par son père, mais sa fourrure dense et soyeuse les cache au monde.

HISTOIRE
- Ton perso est-il de sang pur ou de sang mêlé ? Pur, les flots dans ses veines comme autant de ramifications de la Rivière qui vit naître ses parents, grands parents et parents avant eux.  
- Et ses parents, ils venaient d'où ? Rivière.
- Les liens familiaux de ton perso :

Gouffre du Soleil : Père
Nuée de Colombes ✞ : Mère
Fragments d'Onyx : Soeur adoptive
Nuage du Prince : Frère cadet

- Pourquoi porte-t-il ce nom ? Dans la continuité des noms en attrait au ciel, et une blague quelque peu dissimulée du père en pied de nez aux étoiles.
- Raconte-nous un ou des événement(s) particulier(s) de sa vie (naissance, baptême, cérémonie, ...) : ÉTINCELLE — there will come a soldier

Sa mère est l'amour de sa vie. Il s'indigne qu'il ne puisse pas être son ami à elle ; quand elle désigne Gouffre du Soleil et lui dit il est ton père ; voilà mon ami, il pense qu'il déteste ce chat là qui lui vole les attentions des Nuée des Colombes lorsqu'il paraît, gigantesque, dans la pouponnière. Souvent il s'amuse à se regarder dans ses yeux verts et se lamente qu'il n'ait d'elle que ses prunelles. Le rire de Nuée des Colombes est d'une gaieté cristalline et il en connaît le refrain par coeur. Quand celui-ci se rarifie, la pouponnière perd de sa chaleur. De ses occupants, aussi. Il a trois lunes et, frissonnant des bises glacées qui tourbillonnent dans la pouponnière, il papillonne un regard curieux vers Enchantement Obscur, qu'on traîne au-dehors. Où va-t-elle ?

— Avec ses Ancêtres, répond paisiblement Nuée des Colombes, qui apporte à toutes les questions du monde une réponse amusante. Va jouer avec Petit Onyx, veux-tu ?

Quand on l'appelle Nuage, il voudrait parader autour du camp pendant un jour entier. Gouffre du Soleil ne lui en laisse pas le temps. Tu seras un guerrier, mon fils, annonce-t-il en sortant du camp. L'annonce fait rire Nuage du Météore de par son évidence. Bien sûr qu'il sera guerrier ; tous les apprentis le deviennent un jour. Le père a un rire bref. Tous en ont le nom mais peu l'habileté. Les préceptes que lui martèle le père sont bien moins amusants que le rire et les réponses de Nuée des Colombes, pourtant Nuage du Météore est fasciné. Y avait-il donc des guerriers si durs, dans la forêt d'avant ? Si impérieux ? Comme son mentor et père dicte le rythme de sa vie, il a peu de temps pour se rendre compte des anomalies que prennent certains aspects de son apprentissage : il se laisse choir sur sa litière le soir et ferme l’œil aussitôt. Les après-midi où Gouffre du Soleil le laisse tranquille, Nuage du Météore se glisse dans la pouponnière et rejoint ses cadets. Il s'amuse de penser que Petit Prince ne l'aura jamais connu que comme Nuage. Je n'ai jamais été enfant, moi, tu sais, le nargue-t-il sous les yeux effarés du plus jeune. Je suis né comme ça.

Au baptême de Nuage d'Onyx, Nuage du Météore a neuf lunes et déjà l'envie de parader lui est passée. Les muscles encore endoloris, sans que l'idée d'en formuler la plainte ne lui passe par la tête, assit aux côtés de Nuée des Colombes, il jette des boules de mousse à Petit Prince qui cavale en babillant gaiment. En entendant sa mère renifler, il est confus.

— Elle sera juste à côté, tu sais.

Nuée des Colombes emmêle sa queue dans la sienne, et son visage clair prends alors un de ces airs qu'il ne sait jamais déchiffrer. Elle sourit, et il se sent d'un coup gamin, laissé de côté du monde d'adultes qu'il ne saisit pas. Indulgente, elle reporte son regard vers Nuage d'Onyx qu'on acclame.

— Tant de chaos dans sa vie, et regarde-la maintenant s'élever, dit-elle, le regard brillant.

Il hausse des épaules.

— Grâce à toi.

Elle et son rire, et ses réponses inlassables.

— Je te vois moins, en ce moment, dit-elle doucement. La remarque lui fait chauffer les joues. Ton frère se plaint tout le temps.

— Arrête. J'ai juste des trucs à faire, c'est tout.

— Il te vole à moi, rit-elle alors.

Quelque chose l'empêche de la joindre. Là, encore. Cette dissonance au fond de ce rire. Tu mens, s'insurge-t-il soudain, la bile à la gorge, les poils hérissés, et ce rire là, à qui l'as-tu volé, toi ? Gouffre du Soleil ne peut rien voler du tout ; il est son père. Il a, ou il n'a pas. Nuée de Colombes se redresse pour rejoindre Nuage d'Onyx. Elle lui coule un regard. Cet éclat au fond de ses prunelles. Nuage du Météore a les mêmes. Hier, il s'y perdait. Aujourd'hui, il s'en détourne. Toutes les mises en garde de Gouffre du Soleil dans leur douceur, quel danger derrière leur beauté — celles-ci appartiennent aux mères et aux apprenties. Gouffre du Soleil ne vole rien. Il a.

BRASIER — Lord, i worry that love (is violence).

Demain, dès l'aube, rien ne sera plus. La nuit a jeté ses doigts sinistres sur le monde et noie dans son puits les campagnes et leurs forêts ; il n'y a de rivière dont le courant ne se soit gelé ni de chemin qui ne soit jonché de corps en râles. Le jour est mort. Il ne reviendra pas. Ne prospèrent que des faux-soleils qui drainent inexorablement les vagabonds en manque de lumière — nul n'est prophète en son pays, pourtant Nuit des Météores se fait apôtre docile. Suivre le père est une évidence : quoi d'autre ? Rien. Il ne sait plus très bien s'il y a jamais eu quelque chose avant. Peut-être est-il né le jour où sa mère est morte.

L'obsession de Gouffre du Soleil l'entraîne dans son torrent. Ses rapides masquent les rochers tapissant le lit de leur funeste rivière. Le courant est si frénétique que Nuit des Météores ne peut réfléchir ; il y plonge aveuglément.

— Je sais que le vieux domestique traîne là-bas ; elle aurait vu quelque chose qui ne fallait pas, voilà tout — eh bien, du nerf, je suivrai cette route. On se retrouve à l'arbre à l'aube.

Le père déjà évanoui. Un jour un domestique, l'autre une odeur, autant de pistes fugaces qui toutes se rejoignent dans le labyrinthe obsessionnel que tracent Gouffre du Soleil et Nuit des Météores. Il semble au jeune guerrier que ce n'est que le prolongement sensé de son apprentissage : a-t-il jamais cessé d'être évalué ? Quelques lunes suffisent à ce que Nuage d'Onyx apporte à leur table sa colère grondante. L'inclure dans l'affaire familiale n'est que raison. Les crépuscules épais s'effritent en aubes rosées, la nuit est un battement de paupière, et tout est trop tôt, ils n'ont assez du jour et de la nuit pour mener leur entreprise délirante. C'est un rythme que Nuit des Météores ne connaît que trop bien et applique sans ciller. Pourtant, il observe les mouvements de sa sœur se faire parfois brouillons, prendre un temps de retard qu'ils n'avaient pas.

— Ça lui fait presque deux entraînements, dit-il un jour à Gouffre, nonchalant, jamais quémandeur. Son mentor est un enfoiré.

— Elle tiendra, rétorque l'autre d'un ton chaud et grave.

Bien sûr, que Nuage d'Onyx tiendra, bien sûr qu'ils tiendront tous. Il n'y a d'autres issues possibles à leur course. Plus le souvenir de Nuée de Colombes s'éloigne, plus son ombre grandit. Nuit des Météores s'en accommode, mais couve ses cadets d'un regard soucieux. Nuage du Prince n'a que six lunes, Nuage d'Onyx neuf. Aucun d'entre eux n'a plus besoin du lait maternel ; qu'en est-il de l'amour ? Alors maladroit, revêtant la façade assurée de celui qui sait faire, Nuit des Météores s'impose dans le paysage déserté de son frère : arrache à ses jours écourtés et ses nuits exténuantes des moments qu'il rend à celui auxquels ils appartiennent : Nuage du Prince ne se plaint jamais des inconstances et irrégularités.  Trop bien éduqué pour ça. Trop aveuglé, peut-être, de deuil et d'amour. Au beau milieu de la nuit, aux premières lueurs du jour, au zénith du soleil, qu'importe. A-t-il chassé aujourd'hui ? Que lui a appris son mentor ? C'est qui, déjà ? C'est elle, je te l'ai déjà dis cent fois. Patience inlassable du cadet. Figure inébranlable de l'aîné.

— C'est un bon garçon, Nuage de Pince, commente Rire de la Cigogne en crachant ses poumons au passage.

— Nuage du Prince, rectifie Météores en lui donnant un coup de pattes. Bouge un peu, je t'ai apporté des herbes. Ta litière est monstrueuse.

Pourtant c'est là une des rares choses qu'il peut exprimer sans gêne ; l'orgueil qui l'étouffe à chacune de ses remarques, plus encore que si on les lui adressait. Les compliments qui se murmurent entre les rangs du Clan ne lui parviennent que sporadiquement, lorsque Gouffre du Soleil et les tâches de patrouille lui laissent du répit : elles ne font qu'enfler sa fierté, le conforte dans son utopie. Sa réussite, sa fierté, sa joie. La normalité prend le nom de Nuage du Prince. Elle le drape tout entier — Nuit des Météores s'en assure.

— Tu seras lieutenant, un jour, gamin, lâche-t-il en bâillant, alangui au milieu du camp une journée ensoleillée.

L'autre rit. Pas lui. Ça lui semble une évidence. Y a-t-il garçon plus droit, plus appliqué, plus brillant que son frère ? Nuit des Météores n'est pas aveugle et sait que le benjamin redresse à lui seul la réputation de la famille. Tête d'affiche. La douleur le frappe de plein fouet comme un torrent d'eau glacée.

— Elle serait fière de toi, tu sais.

Raclement de gorge et bourrade vive contre l'épaule du plus jeune, avant que les émotions ne puisse les prendre. Des choses à mener. L'affaire. On se revoit demain. Écoute bien ton mentor. Va aider les anciens. Te couche pas trop tard, Rire de la Cigogne m'a dit que tu traînais un peu trop avec ces deux apprentis, là, je n'ai plus leurs noms. Oui, elle cafte. Oui, c'est mon problème. Si j'entends ça encore une fois, je vais les traîner par la peau du cou, tes deux potes. Le sommeil, c'est important. L'autre râle. L'aîné s'évanouit aux côtés de Gouffre du Soleil et Nuage d'Onyx. De retour sur la route — il se sent revivre. Il lui semble qu'il pourrait partir suivre une piste et ne jamais revenir. Pourtant quelque chose guide ses pas inlassablement sur le chemin du retour. L'appel du sang est un tambour qui gronde sans cesse et le tire d'un côté et d'un autre : celui du père jeté au-devant de l'inconnu, du frère lové dans une tanière d'apprentis. Il crèvera en retournant à l'un ou l'autre, il le sait maintenant.

MÉTÉORE — he'll burn your city down (in the name of His Lord)

Lorsque Nuages d'Onyx se fragmente, il est au premier rang. Bouffi d'orgueil, impérieux. L'autre est absent, parti depuis deux jours, filé par-delà les montagnes ou de l'autre côté du Bassin du Soleil, pour ce qu'il en sait. Ce jour-là, il n'en a rien à faire. Rien n'importe d'autre que sa tête redressée à elle, trop jeune pour être aussi exsangue, et les yeux brillants de Nuage du Prince, qui s'imagine sans doute se tenir là lui aussi, revêtir un nouveau nom. Aux acclamations hésitantes qui résonnent, Nuit des Météores donne le tempo et la vigueur. Jette un regard dur sur les apprentis chuchoteurs qui observent Fragments d'Onyx d'un mélange de crainte et de mépris. Elle a jamais été nette, celle-là... me fait dresser les poils du dos, j'te dis...

— Bouclez-la, les mioches, y en a qui essaient d'écouter. À moins que l'un de vous ne veuille se taper les litières des Anciens pendant une lune — j'vous préviens, Rire de la Cigogne est particulièrement dégueulasse.

— T'es pas notre mentor, rétorque l'un, mais le timbre faiblit, coup d’œil incertain échangé avec l'autre.

— Me tente pas, réplique le guerrier avec un sourire carnassier — assez du moins pour fermer le clapet des bavards.

Il sait que les jacasseries se poursuivent. Il n'y accorde aucun crédit. Que savent-ils de Fragments d'Onyx ? Il n'est pas étranger à ses écarts de comportement, ses éclats — il se surprend lui-même à les tempérer, lorsqu'elle choisit de l'écouter. Se fait sec contre elle un instant, la voit se braquer, et l'instant déjà est passé. C'est une machine bien huilée. Mais ce ne sont que des écarts. Les œillères trop bien fixées, il s'échine à ignorer ce que tout le Clan rejette. Elle est sa sœur, il ne connaît qu'elle, qu'en savent-ils ? Les voilà redevenus étrangers à leur cocon, à jamais relégués à un bruit de fond. Nuit des Météores, se frayant un chemin jusqu'à sa sœur, les ignore, lui touche le museau, l'accueille dans sa nouvelle forme. Elle peut en prendre cent autres, il la reconnaîtra cent fois. Il n'y a qu'elle et Nuage du Prince. Son monde a trois poumons.

Et lui, bien sûr. Le coeur battant. Souverain chez sa chair même à cent lieues de là. Lorsque Gouffre du Soleil revient, Nuit des Météores est rêche.

— T'as manqué son baptême.

— Elle est grande, elle sait que le devoir m'appelait, élude l'autre. Ramène-la, j'ai à vous parler. Maintenant qu'elle n'est plus apprentie, elle pourra t'accompagner plus souvent. On va enfin pouvoir explorer l'est. À la prochaine Assemblée, vous pourrez aller interroger...

Embarqué, déjà, dans sa litanie. Nuit des Météores n'abrège pas. Fragments d'Onyx sait-elle seulement ce qui l'attend ? Il met point d'honneur à la tenir dans l'ignorance des nouveaux plans de Gouffre du Soleil, insiste pour passer la journée avec elle à flâner sur leurs terres. Un souffle, avant la tempête.

Il aurait dû s'en douter. À s'échiner à repousser l'échéance, la chute n'en est que plus rude. Quand Gouffre du Soleil lâche le morceau au retour d'une nuit entière de traque veine, ses mâchoires grincent.

— Je vois pas en quoi c'est nécessaire. On fait le boulot, nous trois.

— On pourrait faire plus. Je lui ai donné plus de répit que je ne t'en ai jamais donné  – plus que ce que je n'aurais jamais eu de mon père. Je ne vois pas de quoi tu te plains, mon gars.

— Eh, je ne me plains pas, là. Simple remarque. C'est un gamin, c'est tout.

Le regard de Gouffre du Soleil est éloquent. Trop acéré, il dénude cet aîné qu'il a fait. Nuit des Météores serre les dents.

— Plus maintenant, il ne l'est plus. Tu es trop indulgent. La chose est actée. Au lieu de perdre notre temps avec ça, toi et ta soeur, allez donc faire votre patrouille, avant que Nuit Polaire ne vous ébouriffe encore les moustaches. On repart demain, et Nuage du Prince viendra.

Nuit des Météores regarde, impuissant, les boucliers qu'il a érigé entre son frère et leur monde chaotique s'effondrer d'un simple coup de pattes. Il aura suffit que la volonté de Gouffre se fasse verbe pour qu'elle s'acte. L'horreur tout entière insurge son être lorsque le sang de son frère éclabousse la terre moite. Son rugissement fait s'arrêter un instant le père ; ses yeux sont verts eux aussi. Aucune douceur n'y rôde. Un instant l'aîné et le père se dévisagent, les corps tendus, les crocs découverts — avant que Gouffre du Soleil ne se détourne et ne leur accorde qu'un coup d'oeil agacé. Même heure, demain. Nous perdons du temps.

Je les vois, maintenant : ma sœur dans l'antre des guerriers, sa litière face à la mienne. Près de la sortie, pour accommoder nos incessants allers-retours. Elle me dit plus en un silence que les bavardages des autres en une journée. Dans ses aveux sans mots elle s'interrompt soudain et cille : tu ne le répétera à personne, mon frère ? Mon dodelinement de tête, les yeux mi-clos, scellent ma promesse. Je n'y réfléchis pas. Bien sûr que non. Ces fardeaux — il nous les faut partager, sous eux ployer et par eux périr. L'ombre de notre frère ondule au seuil de la tanière. Je le confonds un instant avec mon fils, puis notre père. Il ne le sait que trop bien lui aussi. D'eux, je connais les moindres instincts lorsqu'un prédateur souffle à leur cou ; j'ai goûté à leur sang ; partagé leurs frissons ; le même ballet d'ombres nous couvrent. Un vivant qui chasse un fantôme, les deux pour nous hanter. D'eux je sais presque tout, de moi ils répondent, et pourtant tout autant nous sépare. Des aveux putrides au fond de la gorge. Mes chaînes font écho aux leurs mais sont d'une tout autre nature. Un gouffre. Peut-être finirons-nous par nous haïr. Je crois que rien ne peut nous dévier de cette voie. Je crois qu'il m'est plus facile de jouer l'aveugle que de faire face décombres fumants qui nous attendent au bout. Je crois que nous ne savons pas nous aimer autrement qu'en violence.