~ Then it falls away into the great escape ~

Tu t’agites dans ton nid, faisant grogner l’un des guerriers qui essaie de dormir près de toi. Ce soir, les bras de Morphée semblent refuser de t’enlacer. Tu ne saurais dire pourquoi dans les faits, mais il est vrai que tu peines à te vider l’esprit. Tu as tellement à faire, depuis ta nomination ! Et malheureusement, celle-ci est tombée au même moment qu’une crise pour votre clan. Ce n’est pas la crainte de l’échec, qui t’empêche de dormir, non. C’est l’envie de réussir. Tu as toujours envie d’en faire bien plus que ce que tes pattes peuvent te permettre. Toutefois, cette nuit, il ne sert plus à rien d’essayer de trouver le sommeil, ou du moins pas pour l’instant. Tu ne tiens pas non plus à réveiller les autres guerriers, alors tu finis par sortir de la tanière qui vous abrite. La lune est haute dans la toison argentée. Ton regard s’y perd un instant, avant de se déposer sur l’entrée du camp. Autant te rendre utile, les autres seront sûrement heureux de voir quelques prises sur la pile de bon matin. Il n’est pas recommandé de sortir du camp sans prévenir qui que ce soit ces jours ci, mais toi, par la force de ton égo, tu décides de ne pas t’en inquiéter cette nuit.

Te voilà donc sous la demie lune qui éclaire légèrement les rivages qui t’entourent. Ton intention était d’aller pêcher, histoire de te vider un peu l’esprit, mais une odeur familière a attiré ton attention dès la sortie du camp : celle de Nuage du Matin. Oh, la théorie de la trace datant de quelques heures aurait pu être plausible. Mais, depuis quelques temps tu dois avouer que la jeune apprentie t’inquiète un peu. Son attitude est étrange, tu te demandes même si elle n’est pas malade. Mais si c’était le cas, le guérisseur n’aurait pas pu te le cacher, n’est ce pas ? Depuis que tu as pris tes fonctions de lieutenante, tu as tendance à observer tous tes camarades. Non pas que tu sois suspicieuse de l’un d’eux, mais tu aimes avoir un certain contrôle sur les activités du camp. Et cette jeune apprentie, même si elle ne fait rien de mal en soi, n’a pas les mêmes habitudes que tous les autres. Tu finis par suivre sa trace jusqu’à la plaine chatoyante. A partir de là, tu te fais plus discrète. L’idée est de la repérer avant de l’être, pour savoir ce qu’elle peut bien fabriquer ici. Autant dire que tu espères ne pas la retrouver avec un matou ennemi… ta sœur a eu assez de ce genre d’aventures pour tout le clan. Au bout d’un moment, l’éclat d’une voix familière se fait entendre. La voilà donc. Tu t’approches un peu plus, comme pour traquer une proie, pour finalement réaliser que l’apprentie est en train de s’entraîner. Pendant un instant, tu hésites à te jeter sur elle comme le ferait un ennemi, pour la punir de son imprudence.  Si ça avait été quelqu’un d’autre, comme Aloe Vera par exemple, tu ne te serais pas gênée. Mais quelque part, tu ressens que les intentions de la jeune riveuse sont bonnes. Alors au lieu de ça, tu décides de sortir de ta cachette. « Par le Clan des Étoiles, que fais-tu ici par une heure pareille ? »  D’habitude, les apprentis sont plutôt heureux de se coucher le soir, vu leur charge de travail. Tu la couves d’un regard accusateur, ne pouvant t’empêcher de te demander ce qui lui serait arrivé si l'un des solitaires lui était tombé dessus avant toi. « Les entrainements de ton mentor ne te suffisent plus ? » Pourtant son mentor n'est pas Saumon Fumé, donc le pire a déjà été évité. Blague à part, tu n'en ajoutes pas plus, souhaitant la laisser te donner son explication.

Une odeur de peur émane directement de la jeune apprentie. Au début, tu supposes que c'est parce qu'elle a été prise sur le fait. Mais, ses paroles te permettent de vite comprendre qu'une toute autre crainte a traversé son esprit. Tu hausses alors un sourcil, toi-même étonnée par ce qu'elle te dit. C'est bien, de s'inquiéter pour le clan, mais s'il y avait une véritable crise, tu serais sans aucun doute en train de la gérer au camp, plutôt qu'ici. Qu'elle n'espère pas que son inquiétude apparente te fera oublier sa sortie nocturne. D'ailleurs, ton regard n'a pas tardé à reprendre sa dureté initiale, un peu comme le timbre de ta voix lorsque tu l'as questionné. C'est encore pire lorsque Nuage du Matin te répond tout naturellement qu'elle travaille ses mouvements, qu'elle souhaite se montrer à la hauteur. Cette fois, ta queue s'agite avec agacement. L'apprentie ne te provoque pas, vu son échine abaissée, et son ton respectueux. Pourtant, tu ne peux pas t'empêcher de penser qu'elle fait tout cela en niant totalement tous les risques qui accompagnent ses actions. Lorsque Nuage du Matin prend l'initiative de t'interroger en retour, tu la foudroies du regard. C'est peut-être sincère, innocent, et tout ce qu'elle voudra, il y a des limites que l'apprentie devra apprendre à ne pas franchir. « Ce qui me tient éveillée, ce sont les apprentis désobéissants ! » grognes-tu sans détacher ton regard du sien. C'est peut-être un mensonge, mais elle n'a pas à le savoir. En plus, tu risques inconsciemment de te méfier à l'avenir, et de tendre un peu plus l'oreille une fois le soir venu.

Puisqu'elle t'a donné une sorte d'explication, tu ne vas pas te priver de l'utiliser un petit peu contre elle. C'est vicieux, mais tu tiens de nouveau à la prendre de court pour guetter ses réactions. « Puisque tu es pleine de bonne volonté, tu ne verras pas d’inconvénients à ce que j'informe ton mentor et Mélodie des Étoiles de tes petites sorties nocturnes ? » Tu laisses de longues secondes s'écouler, même si ta question est en soi rhétorique. N'importe quel apprenti devrait être plutôt mal à l'aise à l'idée que ses bêtises soient répétées à ses supérieurs. Après un soupir, tu poursuis plus posément. « Nuage du Matin, tu es bien consciente que les entrainements dispensés par ton mentor en pleine journée correspondent déjà à ce qu'il peut attendre de toi ? Pourquoi te cacher ? » Même si elle fait bonne figure devant toi, tu devines bien que ta présence la dérange. Vu son air, elle regrette certainement plus d'avoir été repéré, que son action en elle-même. Sinon, la jeune chatte ne s'embêterait certainement pas à s'éloigner du camp pour faire ça. Tu vas donc avoir besoin de comprendre pourquoi elle agit ainsi. La gronder est une chose, mais tu préfères aller au fond du problème. Après tout, puisque vous êtes là, tu préfères éviter qu'un entrainement nocturne ne se transforme en une nouvelle disparition. La diplomatie n'est pas exactement ton fort, pas plus que le tact. On peut dire que tu y travailles, maintenant que tes fonctions dépassent celles d'une simple guerrière.