Couleur de Caméléon était là, traversant une forêt à vive allure : ce soir il ne ressentait ni la douleur de l'effort, ni la fatigue de la course, tout ce qui l'emportait, c'était de rejoindre la mer qui s'affichait à l'horizon, par delà les arbres. Le ciel était bleu, clair, dégagé, ses pas frénétiques se faisaient retentir sur les feuilles des arbres sur le sol et rien n'aurait pu le ralentir pour atteindre son but.. sauf peut-être cette ombre qui semblait le suivre, qui semblait apparaître un peu plus nettement à chaque coin d'arbre et bientôt, le rouquin ne courait plus pour atteindre la mer, mais pour fuir les larmes de l'Ombre. Se rapprochant de plus en plus de la flotte, il ne lui resterait plus qu'à plonger pour ne plus la voir. De toute façon les chats du clan de l'Ombre savent pas nager, hein ? Sauf qu'il lui avait appris à nager, à l'époque, à cette Ombre. Osant un coup d'œil par-dessus son épaule, le guerrier fût soulager de ne la plus voir derrière lui, sans savoir qu'en reportant son regard sur sa trajectoire, elle apparaitrait devant lui.

Il crut mourir de peur en se réveillant ce soir-là, et l'obscurité était si forte que ses prunelles eurent du mal à s'habituer. Manquant de trébucher sur ses camarades assoupis, Couleur du Caméléon parvint difficilement, presque comme un chat blessé et désespéré, à fuir son nid. Sa tentative était vaine car l'Ombre était là, en plein milieu du clan : Fleur de Bleuet, sa première compagne. Le matou écarquilla les yeux, jamais il n'arriverait à se faire à ses apparitions nocturnes. Pourquoi me tortures-tu ainsi ?! voulut-il crier, mais sa mâchoire inférieure se contenta de rester ouverte. Très vite, il remarqua le sang sur sa robe blanche, la tristesse dans ses yeux bleus et sa voix, dans ses souvenirs si douce, commença à lui crier qu'il l'avait tué. L'Ombre lui fonça dessus et, cette fois-ci comme un chaton qu'on allait frappé, Couleur du Caméléon recula pour fuir du mieux qu'il put avant de se recroqueviller sur lui-même pour cacher ses yeux sous ses pattes. 

"Laisse-moi !, parvint-il à dire, sa voix aussi tremblotante que son corps"

"Couleur du Caméléon ? Il n'y a plus rien, c'est parti, tu es en sécurité dans le camp"

Hein ? Partie ? Mais Fleur de Bleuet ne partait jamais ! Tous les soirs, dès qu'elle le pouvait, elle venait le hanter dans ses rêves jusqu'à ce qu'il se réveille et se rendorme. La guerrière qui pensait être le premier et seul amour du matou s'était attaché à lui comme une tique sur le pelage d'un ancien. Soulevant ses pattes avec précaution, Couleur du Caméléon constata qu'effectivement, l'apparition avait cessé. Le matou regarda la nouvelle arrivante avec des gros yeux, bien incapable de se rappeler qui elle était.. Penaud, il se releva du mieux qu'il pouvait : tout grâce avait disparu ce soir. Encore tremblant, le rouquin osa fermer les yeux un instant pour remettre ses idées en place..

"Bien sûr que je suis en sécurité, murmura-t-il"

Légende Guerrière. C'était Légende Guerrière qui était à ses côtés en ce moment. En la regardant presque honteusement, il demanda sincèrement :

"Je ne t'ai pas marché dessus, j'espère ?"

Comment lui expliquer pour ne pas paraître fou ? Qui, dans ce monde, voyait sa compagne disparue en rêve ? Soudainement épuisé, Couleur du Caméléon se rapprocha un peu de la guerrière pour s'allonger en repliant ses pattes sous son torse. Il lui adressa un coup d'œil timide, elle n'allait pas le juger, il le sentait au fond de son âme, alors il déballa ce qu'il avait sur le cœur :

"Parfois je rêve de belles choses, je rêve des vagues de la mer, de mon propre nid douillé, ou encore d'un gibier dodu, puis elle arrive et puis je me transforme en proie, miaula-t-il d'une voix étrangement douce avant de lâcher un petit rire. Je deviens son gibier dodu."

Car quand elle arrivait, il n'était rien d'autre qu'un être à abattre pour elle.

"C'est Fleur de Bleuet, ma première compagne. Je.. J'ai pas été cool avec elle et je crois qu'elle ne m'a jamais pardonné, son cœur se serra, non pas parce qu'il était triste pour elle, mais parce qu'il avait peur pour lui. Elle faisait partie d'un autre clan et quand ils l'ont découvert, ils l'ont exclu.."

Exclu pour une erreur de jeunesse, quelle tristesse ! Il se pourrait qu'au fond de lui, le matou ressente une légère empathie envers la femelle.

"Et depuis elle est là, elle me hante, elle me dit que je l'ai tué.. Alors que.. que.. oh c'est pas grave, finit-il par dire dans un chuchotement"

HRP:

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