« Vos enfants n'attendent pas de vous que vous soyez parfait. Ils ont simplement besoin que vous croyiez en eux. »
Lune 1204Opale renifla.
Ce n’était pas encore la saison froide et voilà qu’elle s’était déjà enrhumée, quelle plaie ! Certes, un vent froid balayait chaque soir le camping, chassant les derniers rayons du soleil… à moins que ce ne soit l’inverse ? Opale soupira. Il lui semblait que les deux lunes qui venaient de s’écouler avaient duré des années… Elle ferma les yeux et comme chaque fois, les yeux ambrés de Léon lui apparurent.
Léon… Il lui avait fallu du temps pour comprendre.
Opale baissa les yeux sur son ventre arrondi. Ses petits rencontreraient-ils un jour leur père ? Aurait-elle le courage de leur avouer qui il était ?
Elle ne ressentait pas de haine envers lui, c’était contre elle-même qu’elle était en colère. Comment n’avait-elle pas compris plus tôt ce qui allait se passer dans cette maison ?
Elle donna un violent coup de patte dans un caillou du chemin et le regarda rouler au loin dans l’herbe à nouveau haute. Le vent souffla de plus bel, ébouriffant un peu plus son pelage et Opale songea qu’elle devait tout bonnement ressembler à une peluche obèse.
En plus, Il avait fallu qu’elle porte les chatons durant la saison chaude, qui plus est durant les lunes les plus chaudes… elle avait littéralement crevé de chaud et avait passé tout son temps dans la maison de son bipède. Elle qui avait prévu de s’allonger à l’ombre des arbres avec Duchesse pour échanger les derniers potins…
Mais depuis deux jours, elle n’arrivait tout bonnement plus à rester en place, elle avait passé beaucoup trop de temps allongé et ses pattes la démangeaient. Et puis Il y avait ses douleurs qui lui tiraillaient le ventre, la foudroyant un instant avant de disparaitre aussi vite qu’elles étaient venues.
Maugréant, la future mère fit demi-tour. Elle avait atteint l’extrémité nord du camping et le soleil commençait déjà sa descente à une vitesse folle, de toute évidence pressée de regagner son nid derrière l’horizon. Le temps qu’elle rentre, il serait surement couché.
Elle fit un pas, puis deux… et s’écroula.
La tête lui tournait et de puissantes contractions parcouraient son ventre. Est-ce que… est-ce que c’était maintenant ?! Elle ne pouvait pas avoir ses chatons maintenant, pas ici… Une longue plainte monta dans sa gorge tandis qu’une nouvelle contraction secouait son corps.
Comme si son corps s’était préparé toute sa vie pour ce moment, elle se mit à pousser de toutes ses forces mais rien ne se passa. Ce clavaire lui sembla durer des heures… jusqu’à ce que la main de son bipède se referme autour d’elle. Elle se sentit soulever dans les airs mais ne tenta même pas de protester, son corps se balançant mollement, parcouru de spasmes.
Ce qui se passa ensuite ne fut que brouillard. Opale se souvint vaguement d’avoir été déposée à l’arrière du monstre du bipède. Elle se souvint de la surface froide et dure sur laquelle on la déposait puis une odeur âcre lui emplie la truffe et elle sombra dans les ténèbres.
***
Quand elle se réveilla, l’odeur de la maladie, de la peur et du sang emplirent son museau avec une violence surprenante. Etait-ce cela mourir ? Non, elle devait encore être en vie puisqu’une douleur lancinante lui traversait l’abdomen. Elle ouvrit les yeux à grand-peine, luttant contre le poids que semblaient peser ses paupières et hurla.
Une longue cicatrice barrait son abdomen désormais dépourvu de poil. Non de nom que s'était-Il passé ?! Elle voulut se lever mais la douleur l’en empêcha et elle roula sur le dos. Un miaulement sur-aigüe la fit sursauter. Allons bon, voilà qu’elle entendait des voix. Elle ferma les yeux… et le miaulement retentit à nouveau. Cette fois Opale se dandina tant bien que mal pour jeter un coup d’oeil dans son dos et resta interdite.
Evidement, elle aurait dû savoir. Elle savait qu’elle aurait dû les chercher. Et ils étaient là.
Ses chatons étaient allongés dans un coin de la petite tanière lisse qui les maintenait prisonniers. Quatre adorables petites boules de poils. D’instinct elle les attira vers elle avec sa queue. Les petits se laissèrent faire mais lorsque leurs petites pattes se posèrent sur le ventre de la jeune mère à la recherche de lait, la femelle cracha de douleur… puis s’en voulut affreusement.
Les chatons étaient magnifiques, 3 mâles et 1 petite femelle. La chantonne était d’un beau roux qui rappelait à Opale le pelage de sa propre mère. L’un des mâles était d’un brun tigré, en tout point semblable à son paternel. Bien qu’elle n’ait que très peu vu Léon, mais la ressemblance avec son fils la troubla. Quant aux deux derniers… Opale dut cligner des yeux pour être certaine qu’elle ne voyait pas double. Les petits abordaient la même fourrure rousse crème. Ils étaient absolument semblables et s’étaient enroulés l’un contre l’autre, mordillant la queue du jumeau inverse.
De petits colliers colorés entouraient leurs cous, avec, brodés au fil d’or, les prénoms de chatons : Saïka, Salazar, Scoop et Saïgon.
Malgré elle, Opale sentit son coeur se gonfler, non pas de joie, elle n’était pas encore certaine d’en ressentir… mais d’orgueil.