Un irrépressible besoin de silence | Requiem du Silence & Feufo

Requiem du Silence contemple son reflet dans l’eau. C’est fou de réaliser à quel point, en grandissant, il avait pris beaucoup de la carrure de son père. Parfois, ça l’effrayait, par réflexe, des poils se dressaient sur son échine. Fort heureusement pour lui, il n’était pas le portrait craché de son paternel. Ce dernier avait été un grand matou blanc aux pattes noires, et aux yeux bleus si perçants qu’il en avait effrayé plus d’un. Silence avait probablement hérité de Ciel d’Automne son regard froid, mais sûrement pas de sa méchanceté. Du moins, l’espérait-il.

Si tu ne deviens pas fort, Nuage du Silence, tu en paieras les conséquences. Tu ne deviendras jamais un guerrier, et ton clan ne pourra jamais être fier de toi

Les mots durs de son père lui revenaient parfois en tête, bien malgré lui. Il avait suivi ces enseignements à la lettre, pendant bien longtemps, et une partie des propos du grand chat résonnaient encore très fortement en lui. Il voulait être un guerrier fort, que son clan soit fier de lui, ça, c’était réel. Mais il n’était pas persuadé que rabaisser constamment les apprentis était utile à cela. Il avait su tirer parti des enseignements de son père pour se construire lui-même, se détacher à tout prix de ce qu’était Ciel d’Automne. Il devait avouer que la mort de ce dernier l’avait grandement aidé dans cette voix. Aujourd’hui, il se sentait entier. Il s’était accompli lui-même, et comptait bien rester un guerrier fidèle au Code et au Clan de l’Ombre. Et surtout, ne jamais décevoir.

Il n’avait pas très fin, aujourd’hui, étrangement. Il avait bien attrapé un petit pinson qui s’était posé là, mais même son odeur en l’avait pas alléché. En réalité, il se sentait un peu barbouillé, peut-être qu’il avait simplement passé une mauvaise nuit ou que quelque proie n’était pas bien passée la veille.
Quoi qu’il en soit, il décida d’aller marcher un peu, après avoir vérifié que nul n’avait besoin de lui au camp. Il avait participé à la patrouille du matin et s’était occupé de son apprentie, et on lui assura qu’il n’y avait pas de tâche particulière à lui confier. Il signala son départ au cas où on le cherchait. De toute façon, aujourd’hui était un jour comme les autres, et les tâches habituelles déjà répartie. Il aurait tout le loisir de pouvoir profiter d’un peu solitude, ce qu’il appréciait grandement.

Il s’éloigna des territoires de l’Ombre, ne souhaitant pas particulièrement croiser ses camarades. Tout en humant l’air pour vérifier les présences alentours, ses pas finirent par le diriger vers la clairière enchantée. Il ne s’y rendait, ou ne s’y arrêtait d’ailleurs, pas souvent. Il avait pu constater de lui-même les effets de certains champignons sur ses camarades et se méfiait des plantes qu’il pouvait y avoir ici. Il n’était pas guérisseur, après tout, et pris bien soin d’éviter de mettre les pattes dans les champignons qui poussaient un peu partout.

Il s’assit. Le vent soufflait légèrement, s’engouffrant dans son épais pelage ; il le ressentait à peine. Il lui portait des odeurs entremêlées des chats du clan de l’Ombre et du Tonnerre, pas étonnant vu la proximité des territoire. De toutes façon, il était ici en terres libres. Il restait sur ses gardes par réflexe, mais en soit, il n’avait rien à craindre. Tout le monde pouvait circuler ici, chats de clans comme solitaires. Il paraît même qu’on avait déjà aperçu des domestiques, alors…

Ses moustaches frémissent quand son museau ressent l’odeur caractéristique d’une souris. Une occasion que Requiem du Silence se refuse de manquer. Après tout, autant en profiter pour chasser pour le clan. Il cherche la petite bête du regard, réalisant rapidement que ce ne sera pas aisé de masquer son odeur dans ces conditions, d’autant plus qu’il est dans le mauvais sens du vent par rapport à la petite bête. Et puis, il n’a jamais chassé ici, il ne connaît pas bien ce terrain.
Qu’à cela ne tienne, il se met tout de même en position de chasse. La petite bête semble remarquer quelque chose, car elle dresse la tête, et trottine prudemment dans la direction opposée. Alors que l’Escadron s’approche à son tour, une forte odeur vient lui fouetter les narines, et la seconde d’après, un grand mouvement se fait face à lui, le faisant se redresser d’un coup tandis qu’il reconnaît l’odeur comme étant celle du Clan du Tonnerre. Sans mot dire, le guerrier observe les mouvements de la chatte qui enterre sa proie. Elle a été plus rapide que lui, et Requiem du Silence ne peut pas vraiment lui en vouloir, il est juste simplement surpris de cette apparition soudaine. Il cligne des yeux d’étonnement tandis que la femelle se retourne vers lui et le remarque enfin. Le guerrier reste calme, il n’y a aucune raison de s’attaquer en ces lieux. Les premiers mots lâchés par la nouvelle venue, cependant, lui paraissent agressive. Il s’apprête à répondre, quelque peu blessé par ces propos plutôt acerbes, mais son interlocutrice se reprend alors en se confondant en excuses, avant de… fondre en larmes.
Requiem du Silence se retrouve alors soudain perturbé par ce changement soudain, et pendant quelques secondes d’abord, ne sait quoi dire ou faire. Cette chatte n’es pas de son clan, il ne la connaît pas. Enfin, déjà que si c’était quelqu’un de son clan, il ne saurait pas comment réagir, alors…

Comprenant cependant qu’il ne peut tout bonnement pas la laisser comme ça, il s’approche prudemment, et demande, de la voix la plus douce qu’il lui est possible de faire

« Est-ce que… ça va ? »

Visiblement non, mais il est troublé et ne sais pas trop quoi dire. Il approche une patte qu’il pose doucement sur la tête de la jeune chatte, comme pour la rassurer, sans toutefois faire de geste qui pourrait être mal interprété.

« Tu as mal quelque part ? Je peux t’aider ? »