« Méfie-toi de celle qui crache du venin et de l'ombre blanche,

ils s'attaqueront aux fondements des clans... »
 
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 IF [OS]

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Présage des Rats
Fidèle.
Présage des Rats

Date d'inscription : 28/02/2014
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MessageSujet: IF [OS]   IF [OS] 3horlo10Lun 28 Mar 2016 - 23:28

IF.
feat. Shura
«If (I) had a heart.
 


Le jour se lève et m'arrache un soupir en passant les doigts entre mes rideaux blancs. Comme s'ils s'étaient concertés, mon portable se met à sonner. Quel bruit infernal, associé au matin le bruit strident est encore plus dur à supporter. Je le fais tomber en essayant de l'attraper d'une main maladroite, sans jamais lever la tête. Nouveau grognement de ma part. Le vent s'engouffre dans la chambre déjà froide et je resserre un peu plus les draps sur moi avant d'entendre une nouvelle sonnerie. Différente. Il est si rare qu'on m'appelle que je crois aussitôt à une erreur. Je ferme les yeux et me rendors. Le téléphone ne sonne plus. Les heures passent, les jours peut-être, je n'ai pas la moindre envie de me lever, je n'ai pas envie d'aller affronter le monde et son bruit étourdissant, ses lumières, ses visages, je ne veux plus jamais ouvrir les yeux. L'obscurité est bien trop belle.
Mais quelqu'un décide qu'il est l'heure pour la vie de me rattraper. Le téléphone sonne, encore et encore. Alors je pousse le draps rageusement, m’assois sur le bord du lit, frotte mes jambes nues d'un geste négligeant, juste pour la forme, passe la main dans ma tignasse de jais, observe l'écran s'illuminer et les rotations grotesques du portable qui vibre sur le sol. Je finis par décrocher en lâchant un « oui ? » pâteux.

« Shura ? »A mesure que les mots parviennent à mon oreille je me fige.
Le téléphone tombe lentement dans l'air, il plane au dessus du temps et de toute mon existence qui valse sous mes yeux. Le bruit qu'il fait en s'écrasant au sol est sourd. Comme mes sanglots qui se réduisent à des spasmes effrayés. Je voudrais le reprendre, appeler quelqu'un mais je sais que l'on ne me répondra pas. Je dois m'habiller, je dois aller vérifier l'horreur que l'on me propose sur un plateau, servi accompagné de quelques mots sortis tout droit d'une lettre de vœux préfabriquée. J'ai envie de hurler. Mais j'espère, oh comme j'espère. Ils se trompent, ils doivent se tromper.

L'endroit est blanc. Il n'y a que du blanc. Même pas l'odeur des produits d'un hôpital, ici on n'a pas besoin de soin. Ici il n'y a que le vide, l'oubli, le carrelage immaculé facile à nettoyer. Ici il n'y a que la fin, le souvenir des cris et des pleurs. Il n'y a que la mort. Des gens vous croisent, sans vous adresser un regard, ils déambulent en silence dans les couloirs interminables du dernier voyage. D'autres vous lancent une œillade vaguement compatissante, n'osant pas vous parler, que dire de plus à ce stade ? Les mots sont superflus, chaque sons paraît déplacé. Le bruit de mes talons trop hauts paraît déplacé, mon maquillage dévasté paraît déplacé, mes vêtements, trop courts, choisis au désespoir, paraissent déplacés. Et je n'ai pas ma place en ces lieux. Qu'est-ce que je fais ici ? Ils se trompent. J'entends des gens qui téléphonent, je crois entendre mon prénom de tous côtés. Mais il y a d'autres morts à annoncer, d'autres familles à détruire au bout du fil. Morgue. Les lettres se détachent sous mon crâne. Comme des grains de sable dans le sablier cruel du temps. Je me suis assise, on me fait attendre. Ils ont dû perdre leur cœur au détour d'un corridor aseptisé. J'observe une femme hurler à la mort et sortir en courant, suivie d'un mari impuissant. J'imagine déjà leur relation battre de l'aile après la perte d'un enfant longtemps désiré, leur divorce dans la haine et les reproches. Je ferme les yeux quand on m'appelle.

Une main inconnue et impure parce qu'impersonnelle, soulève un linceul aussi pâle que la peau de celui qu'il recouvrait. Mon âme se déchire de ne pas voir le vert de ses yeux rayonner comme autrefois. Mon monde s’effondre de reconnaître ce visage si familier. Mon œil vert pleure le premier, le noir met plus de temps, comme si la rage l'habitait et refusait la faiblesse de l'amour. Si l'on pouvait vieillir en quelques minutes je sais que mes cheveux seraient blancs. Je voudrais le toucher, toucher cette peau adorée, touchée ces joues, cette bouche, imaginer son sourire. Mais j'en suis incapable et je me demande déjà ce que l'univers a contre moi, ce que j'ai bien pu lui faire dans une vie antérieure, et au diable le destin que personne ne m'en parle je refuse d'être seule je refuse je refuse. Je pousse le spectre médical qui se tient sombrement à côté de moi, abandonnant derrière moi ce cadavre qui n'est pas la personne que j'ai connu. Cette personne était belle, riait à en perdre le souffle, me serrait dans ses bras couverts de traces bleutées, pleurait souvent, hurlait à la mort quand elle était en descente. Mais cette personne était vivante et battait le rythme comme un cœur lancé au galop dans le tourbillon de l'existence.

Il n'y a presque personne. Nous n'avons jamais eu beaucoup d'amis. Nous nous suffisions lorsque nous arrivions à nous retrouver. Mais il y a bien un visage, ce visage dur, que j'aime et que je hais, il y a bien un visage que j'aurais voulu voir. Je serre les poings, je saigne en enfonçant mes ongles dans mes paumes. Le prêtre termine un discours de circonstances, bien vide à mon goût. Je sors de l'église avec la nausée, je ne peux pas les regarder faire, les regarder s'approcher du corps qui s'est formé tout contre le mien, des veines qui se sont remplies en même temps que les miennes. C'est au dessus de mes forces, la réalité est au dessus de mes forces. Qu'est-ce que je fais là.
Et puis, mue d'un désir irrépressible je m'y précipite de nouveau, j'écarte cette foule invisible, je me penche au dessus du cercueil de mauvaise qualité qu'on a ouvert. Je l'enlace, on doit se dire que je suis folle, on ne comprend pas ce que je lui dis, on m'en détache.

J'embrasse la vitre du corbillard lorsqu'il passe à ma portée. Quelqu'un me courre après. Je l'ignore. Je souille le verre de larmes ridicules, elles ne seront utiles à personne. Il est mort. Je pose mes mains tremblantes sur le véhicule. Je ne peux pas le laisser partir. Pourtant quelques minutes plus tard je les regarde le recouvrir de terre. Je rêve de ce qu'aurait été notre vie dans une autre dimension. Je t'imagine sevré, clean, je t'imagine beau et assuré. Je nous imagine une famille parfaite, même un chien. Je n'ai plus de forces, je tombe à genoux.

Il faut faire un discours, ils écoutent, tendent l'oreille ces voyeurs qui ne le connaissaient pas, qui n'ont pas partagé ses cellules et son premier souffle. Et puis, au terme de paroles trop cérémonieuses qui l'auraient fait rire je dis.

« C'était quelqu'un de rare, quelqu'un d'extraordinaire, pas parce qu'il était mon frère, If avait un cœur. »

Et je compte bien être là quand celui de mon père s'arrêtera.



_________________
IF [OS] 41jq
La perfection Naru.



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