L'effet boule de neige || Ft. Boule de Neige !

Le monde paraît grand, quand on est un chaton. Il paraît même immense. Encore plus quand on est la fille de deux grands guerriers au pelage épais dont Boule de Neige a hérité. Sera-t-elle un jour aussi imposante ? Est-ce que ça ne fera pas peur aux autres ? Après tout, elle pense ça, mais Chant du Lion ne fait pas peur, et Colombe encore moins. En tout cas, Boule de Neige n'a pas peur de ses parents. Elle les admire et les aime de tout son petit cœur d'enfant. Pourtant, si Colombe est d'une grande douceur, Chant du Lion n'est pas connu pour être naturellement avenant ou amical. Mais avec ses enfants, c'est un vrai papa poule, et quiconque oserait se moquer de lui pour se recevrait un coup de patte bien placée du concerné. Ou alors un sale regard qui passerait l'envie de recommencer.
Il y a des chatons qui ont hâte de devenir apprentis et guerriers. Boule de Neige préfère profiter du temps qui passe. Au chaud dans la pouponnière, près de sa mère et ses sœurs, elle ne craint ni la famine, ni la mauvaise saison, ne serait-ce que par son pelage duveteux et fourni. Blottit contre le ventre moelleux de sa génitrice, la petite blanche se réveille tranquillement tandis que le camp fourmille déjà d'activités au dehors. Boule de Neige baille avec sa gueule minuscule, étire son corps tout aussi petit, et cligne des yeux pour s'habituer à la lumière du matin. Sa tête passe à l'entrée de la pouponnière. Ses sens ne sont pas encore développés, mais il y a un parfum familier dans l'air qui met son cœur en joie. Près de l'entrée, Papa rentre de patrouille. Avec sa maladresse de chaton, Boule de Neige se déplace tant bien que mal dans cette couche immaculée qui porte son nom. Elle arrive enfin jusqu'au puissant guerrier dont la différence de corpulence avec elle tendrait à faire rire. Changeant d'expression aussitôt en apercevant sa fille, le fier mâle s'adoucit d'un seul coup et se couche pour être à la hauteur de la boule de poils aux yeux foncés. Cette dernière laisse échapper un petit rire cristallin avant de lancer à son père un sourire.

« Oui. Mais Petite Loutre bouge beaucoup dans son sommeil. »

Dit-elle sans toutefois porter le blâme sur sa sort. Elle ne lui en veut pas, à Loutre. Neige fait juste des constatations, ne ment jamais, et dit ce qu'elle pense quand on lui demande. La fille vient de mettre entre les pattes de son paternel pour se frotter contre lui. C'est une chaleur un peu différente de celle de Maman.

« Dis, pourquoi tu ne dors pas avec nous dans la pouponnière ? C'est parce que tu es trop grand ? »

Ses grandes prunelles curieuses se lèvent vers Chant du Lion, se demandant depuis quelques lunes pourquoi c'est le seul qui n'est pas avec eux pour dormir. Si elle y pensait davantage, elle aurait vu que les autres reines se trouvaient également sans leurs compagnes et compagnons, mais son petit monde se résume pour le moment à sa famille seulement.

D'ordinaire, elle ne parle pas. Pas toujours. Pas à tout le monde. Pour son papa elle sera bavarde. Du moins, autant qu'elle le pourra. Ce n'est pas une pipelette non plus, Neige, mais elle en a, des questions à poser pour satisfaire sa curiosité. Et pour avoir l'attention de Lion, aussi. Ce dernier n'est d'ailleurs heureusement pas réticent à lui donner, se faisant une joie de lui faire un petit brin de toilette. Chant du Lion lui explique la raison qui fait qu'il dorme dans une tanière différente. C'est vrai qu'elle ne voudrait pas se faire réveiller à tout bout de champ, se dit-elle. Heureusement, même s'ils ne dorment pas tous ensemble, elle peut voir son père en-dehors de l'endroit réservé aux chatons. Et un jour, quand elle sera guerrière, elle sait qu'elle dormira alors dans la même tanière que lui. Et puis sa mère, et ses sœurs aussi. La tanière des apprentis lui semble encore bien loin, et pourtant, dans quelques petites lunes, elle en fera partie aussi, avec Petite Loutre et Patte Nocturne.

Lorsque le mâle au manteau massif se relève et qu'il lui demande implicitement de l'accompagner, la chatonne ne cache pas son plaisir de pouvoir rester encore un peu avec son père avant que ce dernier n'ait de nouvelles responsabilités ou que ses sœurs ne se réveillent à leur tour. Boule de Neige n'ose pas toujours s'imposer ou demander de passer du temps avec ses parents, parfois de peur de les importuner. Elle le sait, ce moment est privilégié. En plus, elle est flattée que son père lui demande de choisir une proie pour lui. Mais pour le moment, elle ne les connaît pas vraiment. Ses grands yeux sombres parcourent le tas de gibier. Elle discerne voit une souris et un mulot dans un coin, mais ignore le nom du second.

« Hmm... Celle-là, c'est une souris. Et celle-là... Une petite souris ? »

Dit-elle en tendant sa petite patte vers le mulot en question. C'est vrai que pour elle, c'est juste une souris moins grosse et plus ronde. La seule proie qu'elle arrive vraiment à identifier est le rongeur, plus imposant que les autres, au pelage aussi immaculé que le sien. Seul le sang qui se dégage de son coup fait tâche au sein des poils duveteux.

« Oh, ça, je sais. C'est un lapin. Ils sont tout blanc, comme moi et Maman. »

Elle en avait vu un brièvement, une autre fois dans le camp. Elle avait demandé quel était cet étrange chat aux longues oreilles et à la queue touffue qui lui ressemblait.

« Et... Tu manges toujours après avoir déposé une proie dans la pouponnière. Comme ça, Maman elle reste amoureuse de toi. »

Un nouveau rire léger lui échappe, sans savoir si elle plaisante ou si elle croirait vraiment que c'est un truc d'amoureux de s'offrir à manger.

Papa est fort. Papa est grand. Papa est gentil. Papa est intelligent. Aucun éloge n'est trop fort pour décrire Chant du Lion et l'admiration que sa fille lui voue. Boule de Neige, connue comme réservée et discrète, n'a pas de place pour trop de retenue quand il s'agit de sa famille. Elle a eu cette chance d'être le fruit d'un union heureux et d'une tendresse sans limite entre ses parents ; cela lui permet de garder son innocence et sa naïveté intactes pour le moment, le temps qu'elle grandisse et devienne une adulte accomplie. Est-elle prête à être guerrière ? Bonne question que celle-ci. Neige ne se presse pas. Elle prend la vie comme elle vient, et pour l'instant, elle en a plutôt une bonne dont elle n'a pas à se plaindre. Pourquoi est-ce qu'elle aurait hâte que ça change ? Pour garder l'attention de son père, elle pourrait rester chatonne toute sa vie.

Boule de Neige n'est pas tant intéressée que ça par le combat en soit, mais pour les beaux yeux de son géniteur, elle fera de son mieux ! La petite femelle aux poils longs observe les zones où elle pourrait frapper pour tenter de l'impressionner. Pendant que cela lui permettrait d'être davantage furtive, elle prend une pseudo position de chasseur qu'elle avait regardé en voyant des novices l'exécuter. Bien sûr, il lui manque agilité et grâce qu'elle devra gagner plus tard au fil des entraînements, mais c'est déjà un début et elle a le souci de bien faire. La voilà donc qui avance lentement mais sûrement en contournant son père, ses yeux sombres fixés sur la queue touffue de ce dernier. Puis, après quelques secondes de préparation, la petite chatte s'élance aussi haut qu'elle le peut sur la longue queue pour tenter de l'attraper avant de la mordiller. Mais les poils la chatouillent et la font éternuer.

« Tes poils sont tellement longs... Cela doit être impossible de te toucher. C'est pour ça que t'es le guerrier le plus fort du Clan ? »

Le Vent compte pourtant bien des guerriers, mais évidemment, aucun n'arrive à la patte de Chant du Lion ! Et Boule de Neige est bien sûr très objective !

Aussi grande que ses parents ? La petite en rêve. Oui, elle souhaite être aussi grande, aussi belle, et aussi valeureuse que ses géniteurs qui sont tous deux des guerriers respectés au sein du Clan. Mais Boule de Neige ne possède pas leur charisme ou leur courage. Au moins, elle est très fière de son pelage immaculé, semblable en tous points à celui de sa maman. Elle ronronne quand même de bonheur face aux doux mots de son papa et hoche de la tête quand il lui propose d'aller prendre une proie. Bien sage, elle tente de prendre un oiseau mais éternue à cause des plumes qui lui chatouillent le museau. Elle se rabat donc sur une souris qui lui est plus accessible avec sa petite mâchoire et elle la prend entre ses crocs minuscules. Mais toute fière, sa tête se relève et la boule de poils blanche suit son père jusque dans la tanière des anciens. Puis, elle dépose la nourriture devant Une-Oreille avant de griffer un peu le sol avec sa patte, timide devant l'ancien qu'elle ne connaît pas encore trop bien.

« Bon... Bon... Bonjour Une-Oreille. »

Même pour les membres de son propre Clan, Boule de Neige peut se montrer craintive et maladroite en présence de chats avec lesquels elle n'est pas trop familière. Ses grands yeux sombres se posent sur la proie qu'elle lui a donné, avant de se tourner vers Chant du Lion. En silence, elle se rapproche de lui et se colle à sa fourrure avant de lui faire signe de se pencher pour qu'elle puisse chuchoter à son oreille.

« Et maintenant ? Je dis quoi ? »

Nerveuse, la chatonne compte sur son père pour la conseiller. Les anciens lui sont un peu intimidants : ils possèdent tellement de connaissances qu'elle a peur de passer pour une idiote auprès d'eux, alors elle ne veut pas dire de bêtises ou les froisser sans faire exprès.

La petite femelle blanche ronronne en sentant le coup de langue de son père sur sa tête, comme pour l'encourager. Les anciens possèdent une certaine expérience qui les rendent admirables et respectables aux yeux de Boule de Neige, mais de ce fait... Ils sont aussi intimidants. Pourtant, bien sage, la cadette prend son courage à deux pattes en suivant les conseils de son géniteur. Sa voix est douce et polie.

« Je m'appelle Boule de Neige et... Lui c'est mon papa, Chant du Lion. Et ma maman, c'est Colombe. »

La chatonne se présente maladroitement avant de se rappeler de ce qu'elle a fait de sa journée.

« Aujourd'hui, mon papa il m'a appris à reconnaître des proies et... Et je sais un peu me défendre. Un jour, je veux devenir une grande guerrière comme mon papa et ma maman. »

C'est en outre grâce à la présence de Chant du Lion qu'elle arrive aujourd'hui à s'exprimer sans trop de problème, car sa modestie prend souvent le dessus et elle n'ose pas parler de peur de dire une bêtise ou qu'on la trouve inintéressante. Mais Une-Oreille, quand elle commence à lui parler, semble moins inquiétant que ce qu'elle pensait.

« Tu as un papa et une maman, toi aussi ? C'est qui ta famille ? »

Elle se montre même un peu maladroite dans ses paroles, mais la petite, simplement curieuse, ne veut pas mal faire et éprouve en réalité de l'intérêt pour tous les membres de son Clan.

Il y a des chatons qui ont peur des anciens. Certains sont aigris à cause de l'âge et de leur expérience et n'hésitent pas à effrayer les petits chats en leur racontant de sombres histoires pour qu'ils se tiennent tranquilles. Mais Une-Oreille n'a pas du tout l'air d'être un ancien comme ça : au contraire, il se dégage de lui certes une petite fatigue mais surtout de la douceur dans son regard qui fascine Boule de Neige par la sagesse qu'elle y discerne.Calmement, le vieux matou lui parle de sa famille. Boule de Neige l'écoute avec la plus grande attention, ayant comme un flash en se souvenant, en effet, d'un des membres du Clan dont le pelage ressemble à s'y méprendre à ce qu'on lui a raconté sur les Grands Chats qui existaient il y a des lunes et des lunes au coeur de Cerfblanc. Mais elle ne lui a jamais trop parlé ; avec son œil blanc, il est assez intimidant, bien que la femelle blanche ne s'arrête en général jamais sur les apparences. Panthère, Jaguar... Elle trouve toutefois ces noms bien poétiques.Son père vient la couver d'un regard et d'un signe affectueux de la queue. Il lui narre l'aventure de Une-Oreille avec des renards pendant le fameux voyage. Les yeux de la boule de poils, aussitôt, s'illuminent d'admiration.

« C'est vrai ? Wouaaah... Une-Oreille est incroyable ! »

Elle éprouve d'autant plus de respect pour lui, maintenant, l'imaginant se battre courageusement contre ces espèces de chiens oranges dont on lui a si souvent parlé mais qu'elle n'a jamais eu le malheur de croiser. 

« Quand je serai apprentie, je t'apporterai une proie tous les jours. »

Boule de Neige, se tenant bien droite, se fait cette promesse afin d'honorer la vie guerrière de l'ancien. Il l'a bien mérité, après tout. Et puis, ce serait gentil de la part de la fille de Chant du Lion ; elle veut qu'on soit fier d'elle et que ses parents aient reçoivent beaucoup d'éloges quant à son comportement.

« Tu ne t'ennuies pas trop, dans ta tanière ? Qu'est-ce que tu fais, maintenant que tu es un ancien ? »

C'est qu'elle est tout de même bien curieuse. Une-Oreille a l'air d'avoir eu une vie tellement glorieuse qu'elle craint qu'il ne déprime, maintenant.